Home Reportage Jean-René Tabouret

Mort de rire

“Ta mère buvait d’la Kro”. “Tu fais moins le malin maintenant…”. “C’est pas le trou que je préfère” ou encore : “Ça pique un peu au début”. Bon, question épitaphe, on a déjà vu plus solennel, mais jamais aussi drôle ! Depuis une douzaine d’années, un certain Jean-René Tabouret façonne dans son atelier de Pont-Aven, dans le Finistère, des plaques funéraires du genre disruptif. De quoi égayer nos cimetières, à l’approche de la Toussaint ? On peut le dire.

 

D’aussi loin qu’il s’en souvienne, Jean-René Tabouret a toujours eu un rapport décomplexé avec la Grande Faucheuse. « Ma maman vendait des monuments funéraires, explique le Breton. Le samedi après-midi, je jouais dans le magasin, entre les tombes, j’ai toujours côtoyé la mort de près ». Ce n’est donc pas tout à fait par hasard s’il est ensuite devenu graveur funéraire. Artiste à ces heures perdues, « proche des milieux alternatifs, en l’occurrence punk », notre homme est frappé par la grâce un soir de 2013, dans un supermarché. « C’était l’heure de la fermeture et du petit message nous invitant à regagner les caisses. Et là, ça fait tilt ». Il grave sur une plaque cette épitaphe : “La vie et toute son équipe vous remercient de votre passage…”.

 

Punchlines mortelles
Ce qui avait commencé comme une blague potache (pour une exposition qu’il avait oubliée !) va prendre un tout autre tour, par la magie du bouche-à-oreille et des réseaux sociaux. « Au fur et à mesure, j’ai vendu de plus en plus de pièces, et voilà maintenant quatre ans que c’est mon activité principale. Je suis devenu graveur presque funéraire ! », s’amuse-t-il. Heureux propriétaire d’un « cerveau qui bouillonne », Jean-René enchaîne depuis les punchlines qui tuent. Citons le plutôt tendre “Bien arrivé. Bisous” (son « best-seller »), le plus musical “Hardcore jusqu’à la mort” (« mon hommage au 113 et à DJ Mehdi » ), le très philosophique “Foutu pour foutu” ou le plus énervé: “Tu servais à rien” (« oui, je ne me lève pas toujours de bonne humeur »).

 

 

Doux Jésus
Vendues entre 100 et 200 euros, ses œuvres amusent les uns, choquent les autres, mais sont toujours exécutées dans le respect du travail bien fait. « Je façonne mes plaques de A à Z, j’utilise de l’or 22 carats pour les lettres, du marbre, du granit, soigne la typo ». Si la plupart de ses créations servent « d’objets de déco décalés », Jean-René Tabouret (un pseudo, évidemment) estime toutefois que près de 20% de sa production orne réellement des tombes. Comment expliquer cette audace ? « D’abord, ça change des plaques impersonnelles au possible. Certains me commandent des petits gimmicks, des anecdotes. Ça n’enlève rien à la peine mais on au moins, on pense vraiment au proche disparu, observe l’artiste. Je crois aussi que les mentalités évoluent. On a envie de prendre ça avec un peu plus de recul. La culture occidentale est quand même obtuse sur la mort. Sur beaucoup d’autres continents, c’est quasiment un jour de fête mais chez nous ça reste un truc très catho. De mon coté, j’ai vraiment du mal avec la religion. Faire du prosélytisme pour Jésus durant 45 min sur une sépulture alors qu’on parle un quart d’heure à peine du gars dans la boîte, ça me sidère… Quelque part, je ne suis pas peu fier de provoquer un peu ». Soit, mais une question nous taraude : le principal intéressé aurait-il pensé à sa propre épitaphe ? « Eh non, c’est toujours le cordonnier le plus mal chaussé ! Et puis je n’ai pas prévu de mourir, il faut que je reste pour m’occuper de vous tous ». Le plus tard possible !

Jean Rene Tabouret 3

Julien Damien

Renseignement au 06 82 32 13 96

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