Musée Matisse
La métamorphose
Certes, il a grandi à Bohain, dans l’Aisne, puis gagné Paris, parcouru le vaste monde pour enfin s’établir à Nice. Mais c’est bien au Cateau-Cambrésis qu’Henri Matisse a vu le jour, le 31 décembre 1869. Et c’est dans cette petite commune du nord de la France qu’il décida de « renaître », pour le citer, grâce à l’émergence sur sa terre natale d’un musée. Depuis, celui-ci n’en finit plus de grandir ! Après deux ans de travaux, voici enfin l’heure de redécouvrir ce lieu exceptionnel, célébrant le chef de file du fauvisme.
L’histoire commence… par une grosse surprise. Au milieu du siècle dernier, un groupe de notables du Cateau-Cambrésis souhaite fonder un musée dans la commune, pas forcément dédié à Matisse d’ailleurs. Néanmoins, l’artiste étant né ici, ils espèrent un don de sa part, ne serait-ce qu’une ou deux oeuvres… Mais l’homme, installé à Nice depuis longtemps, n’a pas oublié ses racines : il leur en accordera 82 ! Ainsi naquit le Musée Matisse, « le premier, et surtout le seul qu’il ait créé de son vivant », souligne Sophie Le Flamanc, la directrice adjointe. Cette collection de toiles, dessins, gravures et sculptures est dévoilée en novembre 1952, dans une salle de l’Hôtel de Ville où se sont mariés jadis les parents du peintre. Trente ans plus tard, de nouvelles donations (notamment d’Auguste Herbin et de Geneviève Claisse, deux figures de l’abstraction géométrique) rendent les lieux trop étroits. Le musée est alors transféré 200 m plus loin, au Palais Fénelon. Passé sous l’égide du Département du Nord en 1992, il ne cessera de prendre de l’ampleur…
Toujours à pied d’oeuvre
En 2002, le bâtiment est ainsi doté de deux nouvelles ailes pour atteindre une superficie de 4 500 m2 mais, « dès sa réouverture, il était déjà trop petit ! ». Car au même moment, la veuve de Tériade, « éditeur ami de tous les grands artistes », offre plus de 400 pièces signées Picasso, Giacometti… Il faut donc, à nouveau, pousser ces murs qui abritent désormais quelque 2 555 oeuvres, dont 886 du seul Henri Matisse. Comment faire ? « Nous avons racheté l’ancien marché couvert de la ville, adjacent au musée », explique Martine Arlabosse, vice-présidente en charge de la culture au Département du Nord. Soit une halle de 1 000 m2 découpée en trois niveaux avec, au premier étage, un plateau muséographique d’une hauteur de 5,25 m. Ce détail technique n’est pas anodin. Le but n’est pas tant d’exposer que « de valoriser ses grands formats, au fil d’une scénographie plus aérée », ajoute Sophie Le Flamanc.
À la page
La directrice adjointe se réjouit notamment de la réunion ici des deux chefs-d’oeuvre du maître, Fenêtre à Tahiti I et II, soit des tableaux hauts de trois mètres – le premier ayant été prêté pour l’occasion par le musée Matisse de Nice. Ce n’est plus de créations de Matisse pas tout ! « Nous avons profité de ces travaux pour reconfigurer le parcours permanent, plus chronologique, mais aussi les vitrines, l’éclairage…». Voici donc l’occasion d’admirer sous un autre jour l’oeuvre d’un homme qui a laissé une empreinte indélébile dans l’histoire de l’art, et pas seulement grâce à un usage audacieux de la couleur. Citons ses fameux papiers découpés, ses sculptures, « moins étudiées », avec ses monumentaux Nus de dos ou encore le portrait de ses petits enfants, unique. Pour cause, celui-ci fut peint à même le plafond de sa chambre et depuis son lit… à l’aide d’une canne de bambou ! Cherry on the cake, l’exposition d’ouverture focalise sur une facette méconnue de ce grand lecteur : l’illustration de textes littéraires, de Mallarmé à Joyce, entre autres surprises…
Exposition de réouverture
Comment j’ai fait mes livres
C’est une facette méconnue de l’œuvre de Matisse, mais qui était chère à ce grand lecteur : l’illustration de textes littéraires. À partir des années 1930, de manière spontanée ou répondant à des commandes (mais toujours dans une absolue liberté), l’artiste pose des images sur les mots d’immenses auteurs, tels Mallarmé, Joyce, Baudelaire ou Ronsard. Cette exposition focalise ainsi sur 14 de ces ouvrages, soit ceux pour lesquels son engagement fut total, du choix de la typographie à celui du papier. Au centre de ce corpus exceptionnel, on trouve aussi quatre livres de dessins signés du maître. « Ce sont des œuvres de maturité, guidées par la quête de simplicité, d’épure », souligne Sophie Le Flamanc, la directrice adjointe du musée départemental, toujours à la page lorsqu’il s’agit de surprendre le public.
>> Le Cateau-Cambrésis, jusqu’au 13.04.2025, Musée Matisse
Musée Matisse
Le Cateau-Cambrésis, Palais Fénelon – Place du Commandant Richez, lun, mer, jeu & ven : 10h-12h30 & 14h-18h, sam & dim : 10h-18h, 8/6€ (gratuit-18 ans) +33 (0)3 59 73 38 00, museematisse.fr