Home Exposition Kelu Abstract

Regards croisés

Looking forward (c) Kelu Abstract

C’est une figure montante du street art dans les Hauts-de-France. Kelu Abstract s’est révélé avec ses portraits réalisés au pochoir sur les murs de la métropole lilloise (et au-delà) comme sur toile. Présentés en noir et blanc, ces personnages anonymes accrochent le regard et humanisent la grisaille bétonnée de nos villes. À la faveur d’une exposition à Marcq-en-Baroeul, rencontre dans son atelier aux allures de caverne d’Ali Baba.

Les murs ont des oreilles, paraît-il… et plus sûrement des yeux. Difficile en effet de ne pas se laisser happer par le regard perçant de ces personnages surgissant au coin de la rue, et dont l’expression intrigue. Sont-ils mélancoliques, fiers, voire dédaigneux! ? « Ça, c’est à vous de décider, suggère Kelu Abstract. Ils n’affichent pas d’émotions marquées, à chacun d’y projeter les siennes ». De notre côté, c’est plutôt un sentiment d’émerveillement qui domine devant ces oeuvres exécutées dans différentes nuances de blanc, de noir et de gris – avec parfois de subtiles touches de couleur ajoutées au pinceau. Ces portraits mêlent le réalisme de la photographie (l’un des dadas de l’artiste) à l’éclat de la peinture, marquant le style littéralement humaniste (et le succès) du prénommé Luc – les plus malins auront compris une partie de son blase.

(c) Kelu Abstract

(c) Kelu Abstract

Entre-deux

Celui-ci fut éducateur spécialisé durant une quinzaine d’années avant de vivre de son art, façonné en autodidacte. « En parallèle de mon boulot, je peignais dans la cave de ma maison, au départ des toiles plutôt abstraites, d’où la seconde moitié du pseudo, explique ce père de cinq enfants. Un jour, je me suis mis à les poser dans la rue pour voir les réactions des gens. Certains les déplaçaient, d’autres les ramenaient chez moi… j’aimais bien ces interactions. Ensuite, je suis passé aux affiches sur papier ». Puis, de fil en aiguille, au pochoir, désormais sa technique de prédilection, à l’instar de Jef Aérosol, « le maître », dit-il, avec qui il collabore régulièrement (et joue de la basse au sein du groupe folk-rock Open Road). Dans le même temps, il a aussi délaissé l’abstraction pour la figuration.

(c) Kelu Abstract

(c) Kelu Abstract

En haut de l’affiche

Ses portraits subliment essentiellement des anonymes, « afin que les passants y retrouvent un peu d’eux-mêmes ». Des « tronches » qu’il prend photo, au détour d’une rencontre, ou déniche au hasard de ses pérégrinations sur le web avec une préférence pour « les personnages un peu androgynes, des mecs avec des traits féminins ou des nanas aux cheveux courts, toujours un peu entre deux ». Mais pile à l’endroit de la beauté, à l’image du Harlem Dude, son « portrait totem ». En constante évolution, ses créations dressent un pont entre l’atelier et l’espace urbain grâce à « des tons un peu “béton”, des textures rugueuses rappelant celles des murs ». À Marcq-en-Baroeul où il expose ces jours-ci, on découvre ainsi de nouvelles séries, soit des peintures agencées sur des fonds constitués d’affiches découpées et collées, au fil de couloirs recouverts de graffs ou de tags, « histoire de ramener la rue dans la galerie ». Et de l’épater, sans aucun doute.

Julien Damien / Photo : Looking forward (c) Kelu Abstract
Informations
Marcq-en-Barœul, Galerie Le Minorelle
19.11.2024>12.01.2025mar > ven!: 11h-18h sam & dim!: 10h-18h, Gratuit
Articles similaires