Autofiction
Lignes de conduite
À l’heure où le parc automobile mondial frôle le milliard et demi de véhicules, la voiture méritait bien sa biographie. Ou, plutôt, son “autofiction”. Il faut dire qu’elle a beaucoup de choses à raconter. Présentée lors de la Biennale de design de Saint-Etienne en 2022, cette exposition se gare en Belgique. Réunissant visions de designers et d’artistes, celle-ci explore la relation d’attraction-répulsion vis-à-vis d’un objet toujours plus évolué, mais pas loin de déraper…
Elle en a parcouru du chemin depuis les premiers automates d’Alfred Chapuis ! Aujourd’hui, la voiture est un concentré de technologie, « semi-automatisé, voire autonome », selon Olivier Peyricot, le commissaire de cette exposition. Laquelle s’ouvre avec malice avec une photographie du bureau d’itinéraires Michelin, rien de moins que « l’ancêtre du GPS ». Au début du XXe siècle, André Michelin envoyait lui-même, par courrier, le parcours aux automobilistes avides d’évasion. Dans le même esprit, la Renault 5 Diamant du Français Pierre Gonalons, avec sa peinture rosée et son volant en marbre, offre un superbe hommage à une citadine qui a démocratisé l’aventure.
Sous le soleil exactement
Toutefois, si elle fut longtemps un passeport vers la liberté, l’automobile est aujourd’hui synonyme de bien des maux, en premier lieu environnementaux. Ce clin d’oeil à Christine de John Carpenter, où une Plymouth amoureuse de son propriétaire massacre ceux qui essaient de les séparer, symbolise parfaitement l’ambivalence de l’objet… qui serait « médiocre », selon Olivier Peyricot. « On peut y monter à cinq mais on embarque souvent seul, il est donc rarement optimisé ». En France, 80% des déplacements individuels s’effectuent d’ailleurs à quatre roues, pour une efficacité relative : la vitesse moyenne d’un automobiliste est de 15 km/h en ville, soit celle d’un cycliste, comme nous le rappelle Folke Köbberling. Ce Berlinois a conçu à partir d’une vieille Saab deux vélos, dont la lourdeur les rend parfaitement inutilisables. L’artiste pointe ici le gâchis de nos ressources pour toujours plus de mobilité, quitte à sacrifier la planète. Et le pétrole n’est pas le seul responsable. Une enquête du média Reporterre dénonce ainsi l’exploitation par des industriels européens du cobalt dans la mine de Bou-Azzer, au Maroc, qui empoisonne toute la région. La finalité ? Fabriquer des batteries pour les voitures électriques… Finalement, la solution viendra peut-être de Belgique, où des étudiants de l’université de Louvain ont mis au point une auto capable de parcourir 3 000 kilomètres (!) grâce l’énergie solaire. Elon, si tu nous lis…