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L'Histoire en marche

Édouard Manet, L’Évasion de Rochefort, Musee d’Orsay
© Grand Palais, Rmn, photo © Franck Raux

Après nous avoir conduits dans les mondes souterrains, le Louvre-Lens explore la notion d’exil à travers l’histoire de l’art. De l’odyssée d’Ulysse aux nombreux drames des réfugiés du xxie siècle, en passant par les peintures de Chagall, survivant des persécutions antisémites, cette exposition met en perspective création et migration grâce à plus de 200 oeuvres. Où il sera question de départ, de déracinement, mais aussi d’accueil, de rencontres et de partage…

C’est un sujet éminemment douloureux, et ô combien actuel au regard des multiples guerres et du réchauffement climatique qui jettent des milliers de réfugiés sur les routes. Mais l’exil est aussi une notion universelle, « inscrite dans notre condition humaine », rappelle Dominique de Font-Réaulx, commissaire de cette exposition qui réunit près de 200 oeuvres anciennes et contemporaines. Ainsi, les grands mythes et récits fondateurs (le déluge, vu par Chagall ou le Chilien Enrique Ramirez) sont confrontés à des drames plus contemporains, représentés par les photographies des camps de rétention, de Mossoul à Calais, de Mathieu Pernot. Les figures intemporelles de “déplacés” tels Ulysse ou Énée côtoient des récits d’habitants de la région lensoise. Ceux-ci sont matérialisés par des objets témoignant de leur propre exil ou familial : ici un chasse-mouche africain, là un bracelet libanais… Tout cela ne doit rien au hasard. « Il y a des résonances entre les époques, ajoute l’historienne de l’art. Il s’agit de prendre du recul, d’appréhender l’actualité sur un temps long, et de réaliser que nous sommes tous des exilés. Qui nous dit que nous ne serons jamais obligés de quitter notre pays à cause du dérèglement climatique ? ».

Marc Chagall, Esquisse pour Adam et Eve chassés du paradis, 1954-1966 © ADAGP, Paris 2024 © RMN Grand Palais, photo © Stéphane Maréchalle

Marc Chagall, Esquisse pour Adam et Eve chassés du paradis, 1954-1966
© ADAGP, Paris 2024 © RMN Grand Palais, photo © Stéphane Maréchalle

Libre circulation

Le parcours est organisé selon une scénographie circulaire, avec un espace central autour duquel six sections rayonnent, communiquant entre elles grâce à des portes voire des fenêtres, permettant « une liberté de mouvement » de circonstance. Au fil de cette visite, des motifs se détachent, souvent bouleversants, comme le souvenir ineffaçable de la terre qu’on a dû fuir, notamment symbolisé par une valise emplie de sable récolté sur une plage de Gaza par Taysir Batniji, artiste palestinien réfugié en France, et qui reflète le poids de la mémoire… Tout aussi poignant est l’arrachement à sa terre natale, illustré par un tableau iconique : The Last of England. Prêtée par la Tate Modern, cette huile sur toile de Ford Madox Brown (1855) représente deux personnes quittant l’Angleterre pour recommencer leur vie à l’étranger. Cette peinture résume toute l’ambiguïté de l’exil « qui est à la fois une damnation et une chance », selon Dominique de Font-Réaulx. Victor Hugo ne la contredirait pas, lui qui écrivit ses plus belles pages (dont celles des Misérables) lors d’une retraite forcée (durant 18 ans) sur les îles anglo-normandes de Jersey et de Guernesey, après le coup d’état de Napoléon III. On admire d’ailleurs à Lens un ensemble rare de photos et de dessins signés durant cette période par l’écrivain.

Richard Baquié, Nulle part est un endroit, 1989, MAC VAL - Musée d'Art contemporain du Val-de-Marne © MAC VAL - DR

Richard Baquié, Nulle part est un endroit, 1989, MAC VAL – Musée d’Art contemporain du Val-de-Marne © MAC VAL – DR

No man’s land

L’exposition, s’achève sur un mot terrible, mais hélas bien présent : “nulle part”, en référence évidemment à ces camps qui fleurissent un peu partout. « Un endroit qui n’est ni le monde que l’on quitte ni celui où l’on arrive, mais où, pourtant, la vie prend racine ». Comment trouver sa place sur une planète qui se calfeutre toujours plus ? Conçue avec des tampons administratifs inscrivant dans un nuage de lettres “Forever Immigrant” (soit, littéralement, “immigré pour toujours”), cette œuvre de Marco Godinho interroge avec poésie la liberté de circulation (soit l’article 13 de la déclaration universelle des droits de l’Homme) et nous renvoie à notre condition d’éternel déraciné…

Julien Damien / Photo : Édouard Manet, L’Évasion de Rochefort, Musee d’Orsay © Grand Palais, Rmn, photo © Franck Raux
Informations
Lens, Louvre-Lens

Site internet : http://www.louvrelens.fr/

Galerie du temps et Pavillon de verre :
Entrée libre et gratuite

Galerie d’expositions temporaires :
Tarif plein : 10€ / 18 – 25 ans : 5€ / – 18 ans : gratuit

Le musée est ouvert tous les jours sauf le mardi, de 10h à 18h (dernier accès et fermeture des caisses à 17h15).

Fermé les 1er janvier, 1er mai et 25 décembre.

25.09.2024>20.01.2025mer > lun : 10h-18h, 11/6€ (gratuit -18 ans)
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