Superpower Design
Le meilleur des mondes ?
Toujours plus loin, plus haut, plus fort… Ainsi avance l’Homme depuis la nuit des temps. Cette course à la performance s’accélère d’ailleurs avec le progrès technologique. Exosquelettes, prothèses, smartphones… Ces objets qui envahissent nos sociétés en perpétuelle quête de croissance ne seraient-ils pas en train de nous transformer en “super sapiens” ? Quitte à nous amputer de notre humanité ? En Belgique, le CID observe nos futurs possibles par le prisme du design.
Réparer les vivants. Voici l’un des grands mérites de la technologie, nous rappelle cette exposition en quatre chapitres, dont le premier s’intéresse à l’apport du design dans la médecine. Cette première incursion date de 1942, quand l’armée américaine demanda à Charles et Ray Eames de participer à l’effort de guerre. Le couple mettra au point une attelle en bois courbé contreplaqué, plus souple et confortable, pour les soldats blessés. Mais de la réparation à l’amélioration il n’y a qu’un pas… La deuxième partie nous montre ainsi que nous sommes déjà des humains augmentés, en présentant son cortège d’exosquelettes ou de montres connectées, permettant à l’Homme de dépasser ses limites (voire produire plus) sans que cela n’engendre la moindre résistance. « Oui, la technologie est très invasive, mais notre acceptation vis-à-vis d’elle est tout aussi rapide, rappelle Benjamin Stoz, le commissaire. Regardez l’irruption du smartphone dans notre vie : quand on n’a plus de réseau, on a l’impression d’être amputés ! ».
Troisième oeil
Dès lors, les questions fusent : à quoi pourrait ressembler notre futur (très) proche ? Ces modifications vont-elles devenir la norme ? Et puis celle-ci, vertigineuse : « à quelle part de notre humanité sommes-nous prêts à renoncer ? ». Autant de problématiques soulevées par la suite du parcours, quelque part entre la science-fiction, l’utopie et la dystopie. En témoigne le troisième oeil robotique imaginé par la Sud-Coréenne Minwook Paeng, soit une merveille de design spéculatif. Aussi ingénieux qu’effrayant, cet objet se fixe sur le front et surveille les obstacles à notre place lorsque que nos (vrais) yeux sont rivés sur notre téléphone. L’appareil ouvre sa paupière en plastique dès que notre tête penche vers le bas et émet un son lorsque, par exemple, un mur se profile devant nous…
En toute transparence
Dans le même esprit, le troisième pouce portable de l’Anglaise Dani Clode nous laisse également pantois. Certes, cette prothèse contrôlable pourrait considérablement améliorer notre jeu de guitare, mais des entreprises nous l’imposeront-elles pour booster notre rendement ? D’ailleurs, « au lieu de nous transformer en êtres toujours plus performants, la technologie ne pourrait-elle pas nous rendre plus éco-responsables, inclusifs ou sociables ? », se demande Benjamin Stoz, qui présente par exemple la mode empathique de Jasna Rok. S’inspirant des procédés des détecteurs de mensonge, cette styliste belge a créé une gamme de vêtements projetant les émotions de la personne qui les porte. Grâce à un système de couleurs imprimées en temps réel, votre tenue pourra signifier à votre interlocuteur si vous êtes gêné par une remarque, triste ou heureux (voire amoureux). Est-ce l’avènement d’un nouveau langage sans paroles… ou le paroxysme de l’ère de la transparence ? Telle est la question.