Lionel Estève
Matière à rêver
Plus qu’une exposition, une balade emplie de malice et de poésie. Celle-ci est guidée par Lionel Estève. Au Musée des arts contemporains du Grand-Hornu (MACS), ce plasticien français à la créativité débordante réunit anciennes et nouvelles oeuvres au fil d’une vaste installation immersive. Baptisée Les Saisons, cette déambulation révèle une multiplicité de techniques, de matériaux, et joue avec l’espace comme nos perceptions.
Il se définit comme sculpteur. Mais Lionel Estève est avant tout un alchimiste. Ce Français installé à Bruxelles tire une indéniable beauté de la banalité du quotidien. Au cours de ses promenades, dans la nature ou en ville, il glane une foule d’objets apparemment insignifiants puis les assemble pour former des oeuvres astucieuses. dans la nature ou en ville, à la campagne ou sur les marchés, il glane une foule d’objets apparemment insignifiants (parfois des rebuts), puis les assemble pour former des œuvres astucieuses, chargées de symboles et d’histoires. Entre ses mains, un collier de perles animé par une poulie automatique se transforme en cascade. Quelques tasses et soucoupes chinées auprès de l’Armée du Salut constituent un poisson. Posés sur un tapis de prière bleu, des fils de cuivre arrachés à des câbles électriques dessinent une comète… « Je compose avec des choses qui sont là, devant nous », confie Lionel Estève qui, avec trois fois rien, parvient à bâtir un monde empli de couleurs et de douceur.
La légèreté
Conçue comme une balade synesthésique, cette exposition réunit anciennes et nouvelles créations. « J’ai remarqué que mon travail comportait une notion météorologique, où le soleil et la pluie ont leur importance. J’ai donc construit un parcours oscillant entre l’aride et l’humide », commente l’intéressé. Le visiteur est ainsi accueilli par une plume de perdrix (« la plus légère des sculptures ») voletant dans les airs face à un paysage d’hiver, soit une multitude de points piqués sur une vitre. Ceux-ci forment un relief, un volume, lorsqu’on observe leur ombre projetée sur une feuille blanche. « Plus on s’approche de mon travail et plus sa perception change, explique l’artiste. J’aime la technique, l’aspect manuel, j’essaie toujours des choses ». D’ailleurs, ses expérimentations relèvent souvent du jeu. En témoignent ces cailloux, trouvés au bord de la mer ou dans le lit des rivières. Subtilement imbriqués (comme des Lego), ils forment ici un visage, là une main… Autour de ces “sculptures-puzzles” brillent des soleils couchants ou levants, découpés dans des grandes toiles de tulle superposées, créant un effet de lumière vibrante – presqu’une sensation de chaleur.
La science des rêves
Le clou du spectacle survient dans la dernière salle, immense, du MACS. Sur ses parois sont accrochées des milliers de gouttes en fil de fer coloré, qui tombent jusqu’à une ligne symbolisant une inondation. Celle-ci est précisément tracée à 60 centimètres au-dessus du sol. Elle court le long du mur ou sur quelques pierres posées sur une estrade, comme si une eau “arc en ciel” venait de se retirer de la pièce. En progressant, on découvre des nénuphars en aluminium, qui semblent onduler sur une surface invisible, à hauteur de genoux. « Peut-être pataugeons-nous dans une rivière imaginaire ? », sourit Lionel Estève, avec qui tous les rêves sont décidément permis.