Ottessa Moshfegh
Lapvona
(Fayard)C’est l’une des romancières les plus douées de sa génération. L’une des plus originales aussi. Après la fable existentialiste (Mon année de repos et de détente) ou le polar métaphysique (La Mort entre ses mains), l’enfant terrible des lettres américaines s’aventure au Moyen Âge. Plus précisément à Lapvona, village crasseux où la bêtise le dispute à la cruauté. On suivra les tribulations grand-guignolesques de Marek, enfant candide et difforme. Battu par son berger de père, méprisé par tous, il sera adopté par le seigneur local duquel il a accidentellement tué le fils, en guise de “dédommagement”. Une nouvelle vie s’offre à lui, mais la sécheresse et la famine s’abattent sur la contrée… Dans ce conte médiéval raconté en quatre saisons, Ottessa Moshfegh sonde les tréfonds de la condition humaine, entre réflexion sur le rôle de la religion et critique sociale. D’une plume simple (donc parfaite), usant de personnages hautement symboliques, elle noue horreur et burlesque avec maestria, comme si Ari Aster (le réalisateur de Midsommar) avait réécrit Game of Thrones. Plus fort, elle fait jaillir la beauté de la laideur. On a rarement lu œuvre aussi noire, et pourtant c’est brillant.
324 p., 22€