Maia Flore
L'image et son pouvoir
Dans le monde revu et corrigé par Maia Flore, il n’est pas rare de voir des corps flotter dans les airs, suspendus à des fleurs ou de ballons, mis en scène dans des situations improbables ou alors littéralement fondus dans le paysage. Héroïne de ses propres compositions, cette artiste pluridisciplinaire teinte ses tableaux photographiques d’humour, de poésie et d’un onirisme qui n’est pas sans rappeler l’oeuvre de Lewis Carroll. Passée par l’école des Gobelins et le Fresnoy de Tourcoing, membre de la prestigieuse agence VU’, la Française, lauréate du prix HSBC en 2015, nous dévoile quelques secrets de fabrication.
Comment votre passion pour la photographie, et pour l’image en général, est-elle née ? Le langage visuel commence dans mon imaginaire d’enfant. Je rêvais de devenir “ministre de la Beauté” avec l’intime conviction et l’impatience de réaliser ce monde. J’ai été désillusionnée par la photographie après avoir vécu en Afrique de l’Est (j’avais 8 ans ) et très en colère contre ce que je découvrais de l’utilisation de ce médium, mais j’ai aussi compris le pouvoir des images. Je considère la photographie ou la caméra comme un outil au service de l’image, et non l’inverse, et j’ai toujours autant de mal à me présenter comme photographe.
Comment définiriez-vous votre travail ? Je révèle la beauté en suscitant le sourire par des mises en scènes légères et colorées.
Il est souvent question de paysages dans vos compositions. S’agit-il d’interroger le rapport entre l’humanité et son environnement ? D’harmoniser le corps et la nature ? Oui, car le corps comme les paysages sont en perpétuel mouvement. Il y a une recherche d’harmonie dans l’impermanence de la vie. Il s’agit de “faire corps” en se métamorphosant car seule l’expérience transforme.
On remarque aussi que les visages sont souvent cachés. Pourquoi ? Parce que mes créations demandent un travail d’imagination et non de projection. Le corps est présent, le regard est absent pour laisser de la place au spectateur. Mes images suggèrent, elles n’imposent pas.
D’ailleurs, vous semblez être l’unique modèle de vos compositions. Pourquoi ce choix ? Parce que c’est simple. Je joue, je prend le temps que je veux et les risques que je sens. Par souci d’authenticité aussi, car je ne sais travailler qu’avec mon corps, que je laisse s’exprimer. Je focalise mon énergie sur cette recherche plutôt que de formuler à un autre des attentes que je ne connais pas moi-même.
Quelles seraient vos influences ? Elle sont surtout à chercher dans le sport, car je suis inspirée par ce qui rassemble les gens et leur donne de la joie. Je ne retrouve pas cela dans le milieu artistique, dont je me suis éloignée. Les seules expositions où je me suis rendue ces trois dernières années sont celles d’Olafur Eliasson, pour son travail sur la lumière. J’adore mettre en scène ma passion du tennis et m’amuse à utiliser ce que l’on vit sur le court comme ce que l’on vit au quotidien. Je suis passionnée par le mouvement, le geste et le dépassement de soi. Les athlètes m’inspirent pour cette recherche permanente des limites, sur les plans physique et mental.
L’humour semble aussi important dans vos mises en scène, en tout cas autant que la dimension “fantastique”, n’est-ce pas ? Oui, je m’amuse beaucoup en réalisant mes images. Je ne sais pas travailler autrement qu’en jouant. Rire de mes propres limites ou chercher à les repousser, c’est fantastique. C’est aussi vrai pour mon équipe. Je préfère travailler avec ceux ont de l’humour.
Parmi notre sélection d’images, y a-t-il une qui recouvre une histoire particulière ? Celle de la jeune fille qui s’envole, accrochée à un bateau, Sleep Elevations. 15 ans plus tard, elle est encore publiée, et ça me touche qu’elle soit intemporelle. J’ai tenté de réaliser cette composition sous forme d’aquarelle, d’acrylique, de collages, de sculpture mais c’est en photographie qu’elle a pris tout son sens et m’a ouvert la voie. Cette image a changé ma vie.
Quels sont vos projets ? Je prépare une exposition en 2024 en France, qui fera l’objet d’une publication. Je travaille aussi sur un projet personnel autour de l’ombre qui sera également exposé à Paris dans quelques mois. Sinon, je viens d’emménager en France après 12 ans de vie à l’étranger pour retrouver mon grand-père avec qui je passe du temps, pour bénéficier de sa sagesse, de son expérience et récolter de la matière à transformer en images.
À visiter / maiaflore.com // @maiaflore