Close Enough
Femmes photosensibles
« Si vos photos ne sont pas assez bonnes, c’est que vous n’êtes pas assez près ». Devenue culte, la citation de Robert Capa offre son titre à l’exposition Close Enough, qui ouvre ses portes au Hangar de Bruxelles et réunit trois générations de femmes, membres ou ex-membres de l’agence Magnum. Celles-ci dévoilent la richesse de leur processus de création et une diversité d’approches, loin des clichés.
On retient traditionnellement de Magnum, fondée au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les reportages au plus près de la guerre de Robert Capa, et les « instants décisifs » captés dans la rue par Henri Cartier-Bresson. Mais la célèbre agence photo a vu passer en 76 ans plusieurs centaines de photographes qui ont braqué leur objectif sur le monde. En voilà ici réunis douze. Et plus précisément des femmes qui, en miroir de leurs travaux accrochés au Hangar, nous ouvrent les coulisses des images. « L’exposition est généreuse : elle ne mystifie pas les processus des photographes et s’adresse directement aux praticiens », décrivait l’an dernier Charlotte Cotton, commissaire de cet accrochage d’abord présenté au Centre international de la photographie de New York. Si le terme “assez proche” désigne la distance physique entre l’appareil photo et l’événement immortalisé, il souligne aussi la confiance naissante entre le reporter et les protagonistes des clichés. Cette relation est palpable dans les oeuvres présentées à Bruxelles.
Chambre à part
Scènes d’émeutes urbaines ou baiser lesbien en gros plan, la jeune Libanaise Myriam Boulos documente toutes les facettes de la révolution qui a embrasé son pays à l’automne 2019, et les traumas nés après l’explosion sur le port de Beyrouth, en août 2020. Cristina de Middel développe quant à elle une idée singulière. Pour Gentlemen’s Club, l’Espagnole a recruté des hommes sollicitant régulièrement des travailleurs du sexe, de Bangkok à Rio. L’artiste a choisi de les payer pour une heure, le temps d’un shooting, retournant ainsi les positions du client et des prostitués. À 75 ans, l’Américaine Susan Meiselas revient de son côté sur A Room of Their Own (“une chambre à eux”), série prise dans un refuge pour femmes et enfants victimes d’abus, au Royaume-Uni. Une telle intimité aurait-elle pu éclore entre les familles et la reporter, si cette dernière avait été un homme ? Close Enough laissera le public décider – et prendre du recul.
