Jean Jullien
À vous le studio !
C’est l’un des illustrateurs les plus courus de la planète. Jean Jullien n’avait, pourtant, jamais bénéficié d’une exposition personnelle dans un musée européen. C’est désormais chose faite. À Bruxelles, le Millennium Iconoclast Museum of Art (MIMA) célèbre une oeuvre délicate, faussement naïve et vraiment diversifiée, entre dessins, sculptures et peintures. Baptisé Studiolo, ce parcours met en lumière les toiles intimistes du Nantais.
Depuis une quinzaine d’années, Jean Jullien pose sur l’humanité un regard drôle, poétique, parfois espiègle mais toujours bienveillant – un peu dans les pas de Sempé. La presse s’arrache son trait rond, simple, souvent qualifié de “naïf”. « Je dirais peu encombré, souligne l’intéressé. Ce manque de sophistication et cette sincérité me permettent d’être accessible, de compter un public plus varié ». Et nombreux ! Originaire de Nantes, notre homme a vite compris la portée des réseaux sociaux, qu’il gratifie de compositions malicieuses. Pas moins d’1,2 million d’abonnés suivent aujourd’hui son compte Instagram. Mais il n’est pas seulement dessinateur. Il crée aussi des sculptures, des vidéos avec son frère Nicolas et s’affirme depuis plusieurs années comme peintre. Au MIMA, dans un espace de près de 1 000 m2, c’est donc un artiste protéiforme qui se révèle. Le terme n’est pas trop fort, car Jean Jullien nous invite ici dans son “studiolo”.
Fortes impressions
Ce terme emprunté à la Renaissance italienne désigne un cabinet de méditation et de travail, décoré avec une multitude d’oeuvres ou d’objets par le maître des lieux. « Je voulais partager mon quotidien et mes réflexions en entourant le spectateur d’images qui me sont chères, dit-il. Je tiens beaucoup de carnets de bord dans lesquels je raconte ma vie ou note mes observations. Studiolo est le pendant muséal de cette pratique ». Ce parcours n’est donc pas une rétrospective. Plutôt « une instrospective » célébrant l’instant présent et les plaisirs simples de la vie, par petites touches impressionnistes. Ici des touristes se baignant dans la mer en fin de journée, là des promeneurs dans les dunes, ou encore des portraits de proches en bermudas, mais sans visage – « pour que chacun puisse se projeter dans la toile ». Au fil de ce journal intime et visuel se déploient ainsi les thèmes fétiches de Jean Jullien : les relations humaines et leurs aléas, la technologie ou, bien sûr, l’environnement, à l’instar de ce surfeur dessinant une vague blanche sur la surface d’eaux azurées. « Cette activité est un bon exemple de notre rapport à la nature : on essaie de vivre en harmonie avec elle en la chevauchant, sans avoir le contrôle ». Jolie métaphore, n’est-ce pas ?