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Incertain regard

Série Black-Eyed Susan I, Calendula Marigold, 2010 © Valérie Belin

Le MUba de Tourcoing présente l’oeuvre spectaculaire de Valérie Belin, lors d’une rétrospective à l’ampleur inédite – donc immanquable. Cette artiste discrète compte parmi les photographes les plus inspirantes de notre époque, dont elle ne cesse de déconstruire les codes de représentation. Foisonnante, l’exposition réunit plus d’une centaine d’images, créées du milieu des années 1990 à nos jours. Entre mannequins statufiées, objets humanisés ou masques, ces grands formats plongent le visiteur en plein doute, et dessinent une “incertaine beauté du monde”.

Ce sont des images à la fois sublimes et intrigantes. Nettes, et pourtant troublantes. Dans le travail de Valérie Belin, les mannequins en celluloïd semblent doués de vie et les jeunes femmes s’apparentent à des poupées en plastique. Les moteurs de voiture prennent une forme organique et les bodybuilders surgissent du cadre tels des êtres métalliques, des machines bien huilées. Face à ces photographies aux couleurs saturées ou en noir et blanc, réalisées à l’argentique puis au numérique, difficile de distinguer ce qui est vivant ou pas, naturel ou artificiel et, plus largement, vrai ou faux – une question ô combien contemporaine. « Valérie Belin se situe toujours sur une ligne de crête, observe Mélanie Lerat, la directrice du MUba. Son oeuvre est immédiate, nous captive au premier regard, et cultive en même temps l’ambiguïté ».

Série Heroes, Lady Heart, 2022 © Valérie Belin

Série Heroes, Lady Heart, 2022 © Valérie Belin

Sous la surface

Des images « intranquilles » qui véhiculent cette inquiétante étrangeté si chère aux surréalistes, « mais aussi très picturales ». D’ailleurs, face à ces séries présentées en (très) grands formats sous la lumière zénithale du musée tourquennois, les références se bousculent. Ces paquets de chips froissés évoquent évidemment Andy Warhol, quand ces portraits en buste de jeunes femmes noyées dans des surimpressions de comics américains rappellent Roy Lichtenstein. Et comment ne pas penser au Crash de David Cronenberg devant ces automobiles accidentées ? Des clichés parfois dérangeants, certes, mais jamais gratuitement. À l’heure où la photographie est partout (donc nulle part), l’artiste brouille la surface des images pour interroger les codes de la représentation, par exemple du corps féminin, longtemps renvoyé au statut d’objet.

Valérie Belin, série All Star, Confessions of the Lovelorn, 2016, copyright Valérie Belin

Valérie Belin, série All Star, Confessions of the Lovelorn, 2016, copyright Valérie Belin

Mise en abyme

Ainsi les modèles de Valérie Belin (généralement des mannequins d’agence) adoptent une pose neutre, statique, et un regard absent. La superposition des plans achève la déréalisation du sujet… à moins qu’elle ne suggère des émotions enfouies, à l’instar de ces Painted Ladies, dont le maquillage comparable à des peintures tribales traduisent un bouillonnement intérieur. En témoigne aussi la série Black-Eyed Susan, dévoilant des portraits de femmes typiques du cinéma des années 1950. Des bouquets de fleurs, en surimpression, “contaminent” ces figures iconiques (donc figées) pour mieux souligner une large palette de sentiments. Pour autant, « Valérie Belin ne se revendique pas féministe ». Elle questionne avant tout la notion d’identité, au-delà des stéréotypes et canons de beauté. Ses portraits de sosies de Michael Jackson offrent en cela une sidérante mise en abyme. Car au final, qui sommes-nous ? Le fruit d’une culture et de codes esthétiques incertains ? Des avatars ? Vaste question.

Valérie Belin, série Voitures, Sans titre, 1998, copyright Valérie Belin

Valérie Belin, série Voitures, Sans titre, 1998, copyright Valérie Belin

Julien Damien // Photo : Série Black-Eyed Susan I, Calendula Marigold, 2010 © Valérie Belin
Informations
Tourcoing, MUba Eugène Leroy

Site internet : http://www.muba-tourcoing.fr/

17.03.2023>27.08.2023tous les jours sauf mar : 13h-18h, 5,50 > 3€ (gratuit -18 ans)
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