Paul Ilegems
Il était une frite
La baraque à la fac ? Et pourquoi pas ? Dans les années 80, alors professeur à l’Académie royale des Beaux-Arts d’Anvers, Paul Ilegems monte une exposition itinérante dédiée aux baraques à frites, ou fritkot. Loin d’être une patate, cet intellectuel nous tisse les liens qui unissent la frite à l’art contemporain et, plus généralement, au Plat pays.
« Les fritkots étaient partout, sur le bord des routes, dans les villes, mais étonnamment, personne ne s’était sérieusement penché sur la question ». Désormais, parmi les 350 oeuvres du musée de la Frituur (ouvert à Anvers puis relocalisé à Bruges), on compte quelques Huiles sur toiles du cinéaste Jan Bucquoy, réalisées avec des torchons de cuisine et quelques gouttes d’huile à friture, mais aussi une série de photographies de Raoul Vandenboom, datant de 1972-73. Enfin, citons le célèbre caricaturiste Daumier, dont la lithographie L’acteur des funambules, parue en février 1842, « est la plus vieille représentation de la frite » que connaisse Paul Ilegems.
Naissance d’une nation
Mais qu’ont-elles de particulier, ces fameuses frituur ? « Leur architecture est à l’image du pays, avance l’auteur de sept ouvrages dédiés à la belle dorée. Elles étaient souvent construites par le patron lui-même, en formica et contre-plaqué. On y retrouve l’improvisation, le système D, le laisser-aller et la maladresse qui caractérisent l’esprit belge ». Pour l’anecdote, la trace de friterie la plus ancienne trouvée par le professeur date de1838, à Bruges – soit huit ans seulement après la création de l’État tampon. « À force d’être moqué par nos voisins français et néerlandais comme des gens simplets, un cornet à la main, c’est l’objet de cette moquerie, la frite, qui est devenu notre emblème à tous ». C’est toujours plus digeste qu’un coq ou une tulipe.
A paraître / Encyclopédie
de la frite (Éd. Artus,
2014) ; existe actuellement
en néerlandais.
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