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À l’art libre

Birthday Party (c) Clemens Maurer

C’est un véritable maelstrom visuel, une avalanche de couleurs, de formes, de sujets et de matières. Les œuvres de Clemens Maurer détonnent par leur originalité et leur exubérance. Certes, ces images ont été conçues avec l’aide de l’IA, mais elles ne sont pas dénuées d’humanité, ni d’émotion, bien au contraire. Né à Stuttgart, aujourd’hui installé à Berlin, ce graphiste et illustrateur indépendant (depuis 25 ans !) est passé maître dans l’utilisation des algorithmes. Ses œuvres s’appréhendent comme des tableaux vibrants, situés quelque part entre la peinture et la photographie, mais pile à l’endroit du rêve et de la réflexion.

Quel est votre parcours ? J’ai toujours été très intéressé par l’art, et plus particulièrement par la peinture et la photographie. En outre, j’ai toujours travaillé avec toutes sortes d’images grâce à mon boulot. Au fil des ans, j’ai accumulé un large éventail d’influences, des beaux-arts au cinéma, en passant par la haute couture et la culture pop. Ce réservoir sans cesse plus grand et diversifié n’attendait que l’occasion de se matérialiser. Celle-ci s’est finalement présentée avec l’avènement de l’IA. Aujourd’hui, les obstacles à la réalisation de mes visions ont disparu, et je peux donner vie à mon imagination.

Comment définiriez-vous votre style ? Je ne pense pas avoir un style unique, je passe de l’un à l’autre et choisis toujours celui qui semble le mieux adapté au sujet. Toutefois, je reste fortement influencé par les mouvements traditionnels de l’art et du design tels que le Bauhaus, le surréalisme, le dadaïsme et plus particulièrement le pop art.

Pourquoi ? Parce que ce courant associe le quotidien à l’iconique, combinant des éléments de la culture populaire et des beaux-arts d’une manière à la fois nostalgique et innovante. Ce qui me fascine le plus, c’est l’humour imprégnant ce mouvement artistique et transformant l’ordinaire en quelque chose d’extraordinaire. J’ai un certain penchant pour l’ironie et les clins d’œil subtils, et cela se reflète dans mon travail.

Birthday Party (c) Clemens Maurer

Birthday Party (c) Clemens Maurer

Les thèmes et les sujets que vous évoquez sont très variés. Alors, qu’ont-ils en commun ? Quelle est la touche Clemens ? En tant que graphiste travaillant avec une grande variété de clients, j’ai appris à m’adapter à différents styles ou à en créer de nouveaux pour répondre aux besoins de chaque projet. Cette capacité à passer d’un langage esthétique à l’autre se retrouve dans mon propre travail. Mais quelles que soient les différences de styles et de sujets, il y a toujours un élément commun à toutes mes œuvres : les visages sont souvent les thèmes centraux.

Dans quel but ? Je les utilise pour explorer la condition humaine. À travers mon art, je cherche à capturer des émotions communes et aborder la complexité de notre existence, y compris les rôles que nous jouons dans la société moderne, notre impact sur l’environnement et l’importance de l’art dans nos vies. Chaque œuvre comporte plusieurs niveaux de signification et offre de multiples interprétations. Ce qui peut sembler ordinaire à première vue révèle souvent quelque chose de plus profond sous la surface. Cette dualité (la tension entre le familier et le mystérieux) a pour objectif d’encourager le spectateur à s’arrêter, à réfléchir et, je l’espère, à initier une discussion plus profonde. En fin de compte, mon but est d’évoquer une émotion et d’inviter le spectateur à se connecter à l’essence même de l’être humain.

Shark (c) Clemens Maurer

Shark (c) Clemens Maurer

 

Comment interpréter ces modèles hybrides, cette fusion entre l’être humain et des formes animales, et bien d’autres matières ? Mon objectif est de vous inviter à explorer vos propres idées et sentiments. Les fusions surréalistes remettent en question les frontières traditionnelles de l’identité et de la matérialité, ouvrant la porte à des interprétations personnelles. Les spectateurs peuvent s’inspirer de leurs propres expériences, de leur bagage culturel et de leurs émotions pour comprendre ces formes inhabituelles. En s’éloignant des significations figées, ces œuvres d’art encouragent la réflexion, permettant à chacun de s’engager dans les œuvres de manière unique, avec sa propre vie et ses propres perspectives. Chaque interprétation devient une co-création entre l’image et son public, rendant l’expérience plus intime.

Certaines images révèlent un sens de l’humour décalé, d’autres une forme de mélancolie. Est-ce ainsi que vous voyez notre époque ? C’est peut-être ça, finalement,”la touche Clemens” : un sens de l’humour doublé d’une forme de mélancolie. Pour moi, ce sont les deux faces d’une même pièce, et qui fait de nous des êtres humains. L’humour apporte de la joie, nous aide à trouver la légèreté même dans les moments difficiles. Il nous montre le côté drôle, souvent absurde de la vie et nous donne la force de continuer à avancer tout en nous reliant aux autres par le rire. D’un autre côté, la mélancolie apporte de la profondeur. Elle nous rappelle la fragilité de l’existence, la douleur de la perte et la nature éphémère du bonheur. Elle nous pousse à réfléchir, à ressentir profondément et à créer du sens. Ensemble, ces émotions s’équilibrent (l’une nous élève, l’autre nous enracine) et nous montrent ce que signifie vraiment être en vie.

Meeting (c) Clemens Maurer

Meeting (c) Clemens Maurer

 

Vous vous intéressez également à la mode, n’est-ce pas ? Oh oui, sans aucun doute ! J’ai travaillé pour un magazine de mode pendant environ huit ans et, bien sûr, cette expérience se retrouve dans mon travail. Pour moi, c’est une forme d’art comme une autre, qui a le pouvoir d’évoquer des émotions profondes. Tout comme une peinture capture un moment ou une sculpture raconte une histoire, la mode exprime l’identité, la culture et la créativité à travers les tissus, les textures et le design. Elle transcende la fonctionnalité et devient un moyen par lequel les idées et les émotions surgissent, nous reliant au monde et les uns aux autres.

Concrètement, comment travaillez-vous ? Comment concevez-vous vos images ? Et comment utilisez-vous l’IA ? J’ai deux approches principales pour créer mes images. La première est constituée d’idées qui flottent dans ma tête depuis un certain temps, attendant le bon moment pour prendre vie. Je commence généralement par une idée simple et je la répète plusieurs fois avec de légères variations, pour voir ce qui fonctionne. Cette phase initiale s’apparente à un brouillon ou à une esquisse. Au fur et à mesure que j’affine mon travail, j’ajuste divers éléments tels que le cadre, l’éclairage, les couleurs et l’arrière-plan, façonnant progressivement les images pour qu’elles correspondent mieux à ma vision. Ici, l’IA joue davantage le rôle d’un simple outil, comme je le ferais avec un appareil photo, par exemple.

Monster (c) Clemens Maurer

Monster (c) Clemens Maurer

 

Et la seconde approche ? Elle est plus expérimentale. J’utilise des instructions vagues qui peuvent dérouter l’IA, conduisant à des résultats imprévisibles. Dans ce cas, je considère l’intelligence artificielle comme un partenaire créatif, qui génère de nouveaux concepts que je n’aurais jamais imaginés seul. J’aime beaucoup cette méthode parce qu’elle ressemble davantage à un dialogue et aboutit souvent à des résultats surprenants. Je ne considère donc pas l’IA comme un simple outil de création d’images, mais comme un catalyseur renforçant ma propre créativité.

Parmi les images de notre sélection, pouvez-vous en commenter une ? Je choisirais Mondrian Fashion, parce qu’il s’agit de l’une de mes premières séries d’images générées par l’IA. C’est l’exemple parfait de la façon dont la combinaison de différentes influences conduit à de nouveaux résultats. Comme le nom l’indique, je voulais ici créer des looks inspirés de l’art de Mondrian, mais avec des couleurs différentes. J’avais également en tête le Ballet triadique d’Oskar Schlemmer. L’œuvre représente un dialogue entre différentes disciplines artistiques. Par sa juxtaposition de blocs géométriques rigides et de contours humains, Mondrian Fashion remet en question les frontières conventionnelles, suggérant que l’art n’existe pas seulement pour être observé, mais aussi pour être vécu et expérimenté. Cette image incarne l’harmonie entre la structure et l’émotion, la créativité et l’utilité, rendant hommage à deux pionniers de l’art moderniste tout en réimaginant leur vision pour le public contemporain.

Mondrian Fashion (c) Clemens Maurer

Mondrian Fashion (c) Clemens Maurer

 

Quels sont vos projets ? Avez-vous un livre ou une exposition en préparation ? Je suis très enthousiaste à l’idée d’une nouvelle collaboration avec AugArt, galerie dédiée à l’art digital, qui mêle des impressions en édition limitée et des NFT. Vous avez donc une véritable œuvre d’art physique imprimée sur du papier de haute qualité et un jeton non fongible (NFT) pour vérifier l’authenticité de chaque œuvre d’art. Je pense qu’il s’agit d’une combinaison parfaite entre l’attrait physique d’une œuvre d’art traditionnelle, l’innovation et la sécurité de la technologie Blockchain. C’est une valeur ajoutée pour les collectionneurs, car cela garantit l’originalité et le statut d’édition limitée de l’œuvre. J’ai aussi d’autres projets en cours, dont je ne peux pas encore parler…

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