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Dame de pique

(c) Brode pute

De loin, l’éclat d’un décor riche et délicat. De près, le choc d’un petit mot comme “merde” ou “clito”. Bienvenue chez Brode pute ! Cette artiste parisienne entrelace l’élégance de la broderie et l’irrévérence d’un langage, disons, fleuri. De quoi rendre le point de croix complètement punk ? Peut-être. En tout cas, on a trouvé nos prochains cadeaux de Noël…

« Je suis consciente que mes créations ne plaisent pas à tout le monde ». Oui, mais voilà, Brode pute reste avant tout elle-même. Et puis, son travail fédère de nombreux amateurs. Aussi, la Parisienne continue d’élaborer depuis son canapé, le soir ou le weekend, de gracieuses broderies florales ornées d’insultes (“Va boire l’eau de la Seine”), de grossièretés (“prout”, “crotte”) et d’autres mots grinçants à revaloriser d’urgence (“vagin”, “SPM”, l’acronyme du syndrome prémenstruel). Des boucles d’oreilles “ouin ouin” au pull de seconde main barré d’un grand “merde”, en passant par cette couronne décorative agrémentée d’un “nichon” sur fond de plantes et de fleurs, la quadra ne se refuse (presque) rien. Son public non plus. « Mon best-seller, c’est le slogan “Va bien te faire cuire le cul”», confie l’intéressée, dont les « broches à doigt d’honneur » fonctionnent aussi très bien. Il y en aura d’ailleurs « toute une armée » pour sa vente de Noël, qui bouclera début décembre un travail acharné. « Il me faut deux à cinq heures pour une broche, jusqu’à trente pour un pull recyclé », calcule la punk à chats, assistée par deux félins dans son activité domestique.

(c) Brode pute

(c) Brode pute

Au bout du fil

Ses cent mille abonnés sur les réseaux sociaux et l’épuisement quasi-constant de ses stocks en ligne disent tout du succès de Brode pute. Mais à quoi tient-il ? Probablement à sa manière de « casser l’image de la traditionnelle broderie à mamie, sans l’insulter », ose la prénommée Lucile. Témoignant d’un indéniable savoir-faire, ses oeuvres sont emplies de délicatesse tout en portant des messages corrosifs et féministes. Ce côté piquant s’est imposé dès les premiers coups d’aiguille, opérés en 2009 pour « se vider la tête le soir » après de longues journées de travail sur ordinateur. Comblée par la technique « créative et répétitive du point de croix », l’habitante de Saint-Denis s’éloigne vite des décos « cul-cul » pour bouger les lignes du bon et du mauvais goût. Le tout parfois en pyjama, « avec une pinte de tisane à portée de main », ce qui fait bien rire cette orfèvre du fil. Nous aussi !

Arnaud Stoerkler / Photo (c) Brode pute