Portraits d’intérieurs
Entre les murs
Voilà plus d’un demi-siècle que Jean-Louis Schoellkopf envisage la photographie comme un outil de critique sociale. L’Alsacien questionne le paysage urbain en focalisant toujours sur l’aspect humain. Pendant 20 ans, il a ainsi réalisé près de 300 clichés de familles dans leurs habitations, de Saint-Etienne à Rotterdam, en passant par Marseille ou même la Palestine. À travers l’exposition Portraits d’intérieurs, présentée au Théâtre du Nord à Lille, l’artiste témoigne de nos lieux de vie avec une rare sensibilité.
Cette série a été initiée en 1989, suite à une commande de l’École d’architecture de Saint-Étienne pour répertorier les façades d’immeubles. Mais Jean-Louis Schoellkopf décide d’aller plus loin… et s’invite dans les appartements pour photographier les habitants, chez eux. Pour cela, il observe une méthode rigoureuse : la prise de vue est frontale et son appareil fixé sur un trépied, à bonne distance des familles. Ce geste favorise la découverte de l’aménagement intérieur. En photographiant aussi bien des maisons d’architecte que des logements HLM, l’artiste souligne d’ailleurs les différences culturelles ou sociales au sein d’une même ville. Le cas de la Cité Radieuse du Corbusier, à Marseille, en est un exemple frappant : chaque appartement y est identique, mais l’agencement diffère d’un locataire à l’autre, révélant une infinité de façons de s’approprier l’espace.
Fenêtre sur vies
Ces clichés vont bien au-delà du simple examen des aménagements. Ils constituent des témoignages silencieux de choix, des compromis, des rêves. Chaque image, telle une fenêtre ouverte, suggère des aventures humaines. L’architecture, loin d’être une simple toile de fond, porte ces récits. C’est ici une personne âgée ayant vécu des décennies dans le même logement, là un jeune couple fraîchement installé dans un appartement quasi vide… Jean-Louis Schoellkopf a également exploré les camps de réfugiés en Palestine au début des années 1990, à une époque où l’émergence d’un état semblait encore envisageable. Dans ces compositions, en dépit d’immenses douleurs et tragédies, ces familles se réapproprient des intérieurs, réinventant dans l’adversité une forme de chez-soi, même temporaire…