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Pour de vrai

Photo © Thomas O’Brien

Du journalisme à l’humour, il n’y a parfois qu’un pas. Ex-chef du service vidéo au Monde, David Castello-Lopes s’est révélé avec des chroniques aussi tordantes que didactiques, nous expliquant des principes économiques complexes, l’origine de la myopie ou de l’émoji caca (!) avec ce même mélange de sérieux et de dérision. Entre ses pastilles pour Arte (Intéressant), ses drôles de questions sur France Inter (du genre : “est-il vrai que pierre qui roule n’amasse pas mousse ?”) et ses interviews décalées pour Konbini, il a trouvé le temps d’écrire son premier spectacle, Authentique. On a vérifié deux-trois petites choses avec lui…

Vous avez un parcours assez atypique car, avant d’être humoriste, vous avez été journaliste, n’est-ce pas ? Oui, d’ailleurs je le suis encore, dans une certaine mesure, au regard de ce que je produis pour Arte ou de mes chroniques sur France Inter. Certes, il y a pas mal de blagues dans ces contenus, mais tout cela s’appuie sur des recherches sérieuses et des faits vérifiés !

Le journalisme et l’humour ne sont-ils pas, a priori, antithétiques ? Ça l’est pour ceux qui présentent le 20 h ou travaillent pour les pages géopolitiques du Monde, à l’AFP, car ils doivent rester le plus neutre possible, dans le fond comme la forme. Mais pour moi, pas du tout, car il n’y a pas qu’un seul type de journalisme. Parallèlement à certains médias, on peut injecter de l’humour dans l’information, sans pour autant lui nuire. Au contraire, ça la renforce. Durant une soirée par exemple, lorsque vous racontez une histoire qui vous est arrivée, eh bien vous ménagez vos effets, placez des coups de théâtre, des formules rigolotes. En ce qui me concerne, le principe est le même.

Y-a-t-il des points communs entre l’humour et le journalisme ? Une blague réussie met souvent le doigt sur quelque chose de vrai. Il y a donc ce même souci d’authenticité.

Dans une société toujours plus défiante à l’égard des journalistes, mêler humour et “vraies informations” n’est-il pas sans risques ? Je ne pense pas, c’est la responsabilité des journalistes d’être bien clairs entre ce qui est de l’ordre de la blague et ce qui ne l’est pas, ce qui est vrai ou pas.

Qu’est-ce qui vous a fait basculer vers une carrière d’humoriste ? À vrai dire, je n’ai pas longtemps été un journaliste traditionnel. J’ai commencé à Canal Plus et très vite proposé des chroniques dans lesquelles il y avait des chiffres, des faits vérifiés et des blagues (Le Chiffroscope, ndlr). Même quand j’étais chef du service vidéo au Monde, j’invitais à glisser une note d’humour dans les productions. Pour moi, dès le début, les deux ont été mêlés. Le vrai tournant ça a été la série Depuis quand, sur les origines des choses de la vie quotidienne. Je réalisais des reportages, rencontrais les gens sur place, dans un souci de précision, mais en même temps il y avait dans ces chroniques des chansons, des sketchs, un montage hyper serré. D’ailleurs, dans mon spectacle, il y a aussi des passages journalistiques. C’est donc une transition douce, et pas encore tout à fait opérée.

Alors, qu’est-ce qui fait la particularité de votre travail ? J’aime défendre un propos, livrer une démonstration, partir d’un point A et arriver à un point B. Les blagues sans fond ne me font pas rire.

Paradoxalement, votre notoriété a explosé avec une chanson, Je possède des thunes, qui n’expliquait pourtant pas grand-chose de sérieux… En réalité, elle était tirée d’une vidéo sur les montres suisses, illustrant le concept d’achat de biens positionnels. Certes, elle a ensuite été isolée puis a eu du succès sur TikTok mais, au départ, cette chanson explique un principe économique très sérieux !

Comment avez-vous apprivoisé la scène ? J’ai eu un groupe de musique quand j’étais plus jeune, la scène m’a toujours attiré, toutefois je ne me sentais pas capable d’y monter. Mais ça s’apprend. J’ai commencé dans des salles de 30 places, puis elles se sont agrandies relativement vite.

Pourquoi votre spectacle s’appelle-t-il Authentique ? L’authenticité est un thème universel et très humain. On est la seule espèce animale à avoir conscience d’elle-même. On peut donc montrer un visage qui ne correspond pas à ce qui se passe dans notre tête. Dire à quelqu’un qu’on l’aime et penser tout le contraire… Il y a de bonnes blagues à faire sur le sujet, comme le jour où j’ai découvert que les bébés se la pétaient !

C’est-à-dire ? La fausseté des êtres humains commence très tôt. Je m’en suis rendu compte en voyant un bébé pleurant tout ce qu’il avait face à sa mère. Elle l’a mis sur son épaule. Il a continué à hurler, mais en souriant un peu. C’était un putain de bébé manipulateur ! Il “faisait genre” pour en tirer des bénéfices, c’est assez vertigineux.

Quels sont vos sujets de prédilection ? J’observe les vecteurs de notre inauthenticité : la mauvaise foi, le regard des autres, la vanité… tous ces trucs qui pèsent sur notre sincérité et nous empêchent d’être nous-mêmes. D’ailleurs, je pense qu’il est impossible pour un être humain d’être authentique, mais on peut s’en approcher. Je parle aussi beaucoup de moi, du fait que j’étais un “boloss” au collège, de mon rapport à la séduction…

Que verra-t-on, concrètement, sur scène ? Les gens qui aiment mes vidéos ne seront pas déroutés. C’est le même univers mais transposé sur scène. C’est un mélange de blagues et de choses sérieuses. Il y a un immense écran derrière moi, je joue de la musique, je danse, il y a du stand-up. La mise en scène est digne d’un montage sur YouTube. C’est une page vidéo dans la vraie vie, en quelque sorte.

Vous sortez aussi un livre le 2 octobre, intitulé Les Origines. Pouvez-vous nous en parler ? Il rassemble plus de 60 textes expliquant l’origine des choses du quotidien, comme les grille-pains, les essuie-glaces, les sapins parfumés dans les voitures, les aspirateurs…. Ils sont tirés de chroniques que j’ai produites durant trois ans sur Europe 1, mais augmentés, réécrits et illustrés. Je raconte ces histoires de façon originale, comme dans mes vidéos, avec beaucoup d’humour. J’y ai aussi mis beaucoup de moi-même, évoquant mon rapport à ces objets. Je suis très fier de cet ouvrage.

Propos recueillis par Julien Damien / Photo © Thomas O’Brien
Informations
Dunkerque, Le Kursaal

Site internet : http://www.dunkerquekursaal.com/

10.10.202420h, 38/33€
Amiens, Mégacité
06.11.202420h, 40€
Mons, Théâtre Royal
13.11.202420h, 43 > 29€
Bruxelles, Cirque Royal

Site internet : http://www.cirque-royal.org

14.11.202420h, 39/34€
Béthune, Théâtre municipal
18.12.202420h, 38/33€

À lire / Les Origines, David Castello-Lopes (Denoël), 256 p., 20€, denoel.fr

 

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