Erwin Blumenfeld
Le chic et le choc
Son nom n’est pas nécessairement arrivé jusqu’au grand public européen. Pourtant, l’Allemand naturalisé américain Erwin Blumenfeld (1897-1969) était incontestablement une star de la photo de mode à la fin de sa carrière, aux États-Unis. Entre couvertures de magazine et photomontages politiques, le musée Juif de Belgique retrace son œuvre plurielle, et son destin tourmenté.
L’image est saisissante. Dans un contraste prononcé de noirs et de blancs, un visage se distingue : partie droite, un œil, une oreille, l’amorce d’une moustache tristement célèbre et une coiffe d’où émerge une croix gammée. Partie gauche, un squelette, orbite concave et béance au niveau du nez. En 1933, Erwin Blumenfeld a 36 ans lorsqu’il réalise le montage Hitler, Grauenfresse (“Hitler, gueule de l’horreur”) depuis les Pays-Bas où ce juif berlinois s’est installé dix ans plus tôt. Il tient un magasin de sac pour dames à Amsterdam, et s’essaie au dessin, au collage, à la photo dans une veine dadaïste. Mais c’est une fois à Paris, où Cecil Beaton le prend sous son aile, et plus tard encore aux États-Unis, où il émigre après un passage par les camps d’internement français, qu’il rencontrera le succès avec ses portraits pour Vogue ou Harper’s Bazaar. Le célèbre Œil de biche (1949), devenu référence ultime en matière de beauté, est une infime partie du travail laissé par cet amoureux des femmes.
Un autre regard
Jusqu’en février, le musée Juif de Belgique accueille l’exposition Erwin Blumenfeld. Photography 1930 – 1950, déjà passée par le musée d’art et d’histoire du Judaïsme de Paris, au début de l’année. Une centaine de clichés retrace les années les plus prolifiques de l’artiste. Celles où il met sa créativité au service d’une large gamme de techniques (solarisation, réticulation, surimpression, jeux d’optique) et celles où il expérimente, en pionnier, les possibilités offertes par la couleur. Au sein du parcours, on s’arrêtera devant cette superbe prise de vue de la statue de la liberté en bichromie. « Mon grand-père était un autodidacte », témoigne sa petite-fille, Nadia Blumenfeld Charbit. L’homme fut aussi un insatiable curieux. On découvre d’ailleurs à Bruxelles son reportage sur une famille gitane aux Saintes-Mariede-la-Mer, montrant une dernière facette, récemment mise au jour, de l’inclassable Erwin Blumenfeld.
Site internet : http://www.new.mjb-jmb.org
Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 17h.
Fermé le lundi, les jours fériés et jours de fêtes juives