Redouane Bougheraba
Droit au but
C’est l’un des stand-uppers les plus courus. Pourtant, Redouane Bougheraba n’est pas du genre à épargner son public. Ce Marseillais a érigé la vanne au rang d’art, clashant ses spectateurs sans ménagement… et ils en redemandent ! Repéré dans l’émission Clique de Mouloud Achour, vu au cinéma dans Alibi.com 2 de Philippe Lacheau ou La Vie scolaire de son ami Grand Corps Malade, ce roi de la répartie présente On m’appelle Marseille, son deuxième one-man-show. Il y évoque son enfance, son parcours, ses rêves… et dézingue à tire-larigot ! Rencontre avec un pro de l’impro.
Quel est votre parcours ? Comment êtes-vous venu à la scène ? J’ai commencé le stand-up assez tard. Avant ça je travaillais, comme tout le monde ! J’ai notamment tenu un Taxiphone à Marseille. Ma rencontre avec Grand Corps Malade a été déterminante. C’est lui qui m’a poussé à monter sur scène, en m’offrant sa première partie. À partir de ce moment, je me suis dit : “allez, j’y vais”. Je suis donc monté à Paris, en 2015, et j’ai écumé tous les comedy clubs… Donc tout n’est pas allé si vite.
Votre grand frère, Ali, est comédien et metteur en scène. Vous a-t-il lui aussi incité à faire ce métier ? Pas directement, mais par son travail, son acharnement. Il ne me l’a pas dit avec des mots mais avec son attitude. Il a été pour moi une source de motivation, un exemple.
Il paraît que vous avez aussi fait un détour par New York… C’est vrai, avec un ami humoriste on a fait le tour des clubs new-yorkais. Il y avait beaucoup d’open mic, mais parfois il fallait payer pour monter sur scène ! On jouait devant d’autres professionnels, et c’est super dur de percer là-bas. Pour réussir aux Etats-Unis, il vaut mieux y être né, parce qu’il faut avoir des références, culturelles, sportives, afin de pouvoir rebondir… Mais cette expérience m’a apporté une certaine rigueur dans le travail. Un jour, on a même croisé Chris Rock dans la rue. Comme des cons on est allés lui parler, lui demander des conseils. Trois mois après il jouait au Madison Square Garden.
Plus généralement, où puisez-vous l’inspiration ? Dans ce que je vois autour de moi, mon quotidien. Les gens sont le moteur de mon inspiration. Le comique peut surgir de n’importe où, de situations loufoques ou tristes.
Pourquoi avez-vous intitulé votre spectacle On m’appelle Marseille ? Quand je suis arrivé dans la capitale, personne n’arrivait pas à prononcer mon nom. Apparemment, c’est plus facile de dire Schwarzenegger que Bougheraba ! Par contre, quand je montais sur scène, tout le monde se souvenait de mon accent. On m’appelait donc “Marseille”. Les gens cherchent toujours la facilité. Regardez Bun Hay Mean : il s’est aussi fait appeler “le Chinois marrant “, et ça a marché !
Vous racontez votre parcours dans ce spectacle, mais ce qui fait votre particularité ce sont vos improvisations, n’est-ce pas ? Oui c’est ma signature, je ne joue donc jamais le même spectacle. Chaque représentation est unique. Plus que des impros, on peut même parler de vannes. Le public vient pour se faire “clasher”… Surtout le premier rang, ce sont d’ailleurs les premières places qui partent. Au marché noir elles se vendent à prix d’or, même moi je ne les achèterais pas ! Il y a un petit côté sado-maso ici. Parfois, je croise des gens qui me parlent de mon spectacle comme s’ils avaient fait la guerre du Vietnam ! Ils me sortent le nom des villes concernées avec les vannes précises.
Vous allez très loin parfois… Oui, mais je reste bienveillant. Les gens viennent quand même pour s’amuser. En fait, je vois jusqu’où je peux aller en regardant les visages, je ne vais pas au-delà de la crispation. Je le remarque très vite. Certaines personnes veulent se faire vanner, et d’autres pas du tout. Ça se voit dans les yeux, comme un lapin pris dans les phares d’une voiture…
D’ailleurs, il paraît que c’est devenu une doléance… C’est vrai, je reçois des centaines de messages par jour, avec les villes, les noms à cibler. Les gens viennent avec leur mec, leur copine, leurs cousins, leurs parents, leurs enfants pour que je me paye leur tête. Une fois un rugbyman de l’équipe de France m’a demandé de vanner sa femme, sans la prévenir. J’ai été obligé d’accepter, je ne voulais pas me faire plaquer à la sortie du spectacle ! Dans mon show, on est entre le spectacle et l’attraction. C’est une expérience.
Personne n’a jamais quitté la salle ? Si une dame, une fois à Montréal. Mais j’avais remarqué dès le début du spectacle qu’elle ne m’aimait pas. Elle ne m’a même pas laissé une chance de la faire rire, elle est partie direct ! Par contre son mari est resté. En réalité, il voulait lui faire une surprise en l’invitant à un spectacle mais s’était offert un cadeau à lui. Quand sa femme l’a compris, elle a pété un plomb, ce n’était donc pas moi le problème !
Finalement, vous n’auriez même pas besoin d’écrire vos spectacles… Si, il faut toujours écrire. L’improvisation c’est bien, mais il y a des jours où je ne suis pas en forme et j’ai besoin de me reposer sur le texte, une base solide. C’est comme un pizzaïolo qui cuisinerait sans pâte, ni sauce tomate. Par contre, l’impro ne se travaille pas. C’est inné. Pour citer Rolland Courbis, j’ai été frappé par la grâce !
En parlant de ça, comme l’OM, vous êtes “à jamais le premier” humoriste à avoir joué au Palais 12 de Bruxelles… Oui, j’ai rempli cette salle d’habitude réservée aux gros concerts, comme ceux de Stromae. J’ai aussi fait l’Olympia à Paris et j’avais justement fait écrire “À jamais les premiers sur la façade”. J’avais demandé des lettres bleues, mais ça coûtait 40 000 euros. Alors je me suis souvenu que j’adorais le rouge !
Peut-être le Stade de France, un jour ? Ce serait plutôt le Stade Vélodrome, à Marseille. Un rêve de gosse pas impossible à réaliser. J’y travaille…