Fake News 2 : Art, fiction, mensonge
Le vrai du faux
Si l’expression est apparue dans les dictionnaires anglais dès le XIXe siècle, elle n’a jamais été aussi florissante qu’aujourd’hui… et sans doute bien moins que demain. Popularisée par Donald Trump en 2016, la fake news s’est depuis imposée comme un redoutable enjeu de société, et même un défi. À Roubaix, la Condition Publique démêle le vrai du faux par le prisme de l’art, entre mensonges, (dé)clics et détournements.
Il se promène au milieu d’une rue vide, étrangement désertée par les automobilistes, en plein coeur de Berlin. Sourire aux lèvres, Simon Weckert traîne derrière lui un petit chariot rouge. À l’intérieur de celui-ci se trouvent 99 smartphones connectés à Google Maps… faisant ainsi croire à l’algorithme du service de géolocalisation qu’il y a dans son sillage un immense bouchon ! Résultat, ses utilisateurs ont été dirigés vers un itinéraire bis… Drôle, cette performance n’en dénonce pas moins de redoutables enjeux, et résume parfaitement le propos de cette exposition : elle démontre la facilité avec laquelle naît et se propage une fausse information. « Elle nous permet aussi de prendre conscience de l’ampleur de la surveillance à laquelle nous sommes soumis, et de l’importance de porter un regard critique sur ces outils numériques », ajoute Jean-Christophe Levassor, le directeur de la Condition Publique, qui accueille jusqu’en juillet Fake News 2.
Des clics et des claques
Initialement présentée en 2021 à Paris par la Fondation EDF, cette exposition, augmentée de nouvelles oeuvres, oscille entre art, fiction et mensonge pour mieux aiguiser notre esprit critique. Le parcours ausculte la fabrication des fake news, leur diffusion mais aussi les remèdes… quitte à enfermer Larry, l’oiseau bleu iconique de Twitter, dans une cage comme le fait le street-artiste Encoreunestp – au risque de museler la liberté d’expression ? Le numérique tient évidemment une place de choix dans ces créations. L’humour et la dimension participative aussi, à l’image du karaoké de Filipe Vilas-Boas. Le Portugais nous invite à chanter (faux ?) sur l’air du Poinçonneur des Lilas de Gainsbourg, ici détourné en Poinçonneur de l’IA sur le thème des fermes à clics (« des p’tits clics, des p’tits clics, encore des p’tits clics… »).
La mal à la source
Pour autant, si elle a de (très) beaux jours devant elle grâce aux “progrès” de l’intelligence artificielle (et l’avènement du deepfake), la désinformation ne nécessite pas toujours de grands moyens. En témoigne la plasticienne Agnès Geoffray, qui juxtapose deux photographies datant de l’épuration, lors de la Libération de la France. Sur la première une femme est nue, empoignée par des hommes menaçants : ils vont lui tondre les cheveux. Sur le second cliché, via une simple retouche, elle est cette fois habillée… et semble protégée par la foule. « Nous n’échapperons pas aux fake news, prévient Jean-Christophe Levassor. L’essentiel est donc de pouvoir nous y habituer pour mieux les détecter, et surtout déceler l’intention de l’émetteur d’une information ». Histoire de séparer le bon grain de l’ivraie.
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Site internet : http://www.laconditionpublique.com/
mercredi > dimanche, 14h > 18h