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Saveurs d'antan

Passatelli (c) Lucia Calfapietra

Lucia Calfapietra cultive un style très particulier. Ses images semblent issues du milieu du siècle dernier, mais sont pourtant des plus rafraîchissantes. Bien connue du monde de l’édition jeunesse, cette Italienne désormais installée à Marseille joue avec les textures, les couleurs et les formes avec maestria. Ses créations pétillantes témoignent de son amour pour les vieux papiers, les livres anciens, le graphisme d’antan et… la nourriture ! Rencontre.

Quel est votre parcours ? Je suis née à Ravenne, en Italie, et depuis toute petite je suis fascinée par l’image imprimée, les livres… il faut dire que ma mère est bibliothécaire ! Je me suis inscrite dans une école de graphisme et de communication, mais j’ai vite compris que ça n’était pas pour moi. J’ai donc suivi un cursus à l’Académie des beaux-arts de Bologne. En deuxième année, en 2009, je suis partie en Erasmus, à Bruxelles, et me suis rapprochée du monde de l’édition francophone, très développée en ce qui concerne l’illustration jeunesse. Ensuite, j’ai tenté ma chance à Paris. J’ai d’abord travaillé pour une petite maison, Les Trois Ourses, puis continué mon chemin en France, principalement dans l’édition jeunesse, mais aussi pour illustrer des couvertures de roman. J’ai par exemple collaboré avec Le Seuil, Grasset, Thierry Magnier, Sarbacane, Flammarion… Je suis à mon compte depuis 2015 et vis aujourd’hui à Marseille.

Comment définiriez-vous votre style ? J’adore tout ce qui est vintage, le graphisme datant des années 1950 et 60.  J’essaie donc de donner un aspect “fait main” à mes images, une texture granulée, comme si elles étaient imprimées sur de vieux papiers buvards, tout en utilisant des couleurs très “fraîches”, vives. J’aime aussi ces petites erreurs, lorsque les couleurs se superposent.

Pourquoi cet attrait pour le rétro ? À l’époque, les graphistes travaillaient avec peu de moyens. Il leur fallait donc aller à l’essentiel, en utilisant des formes franches et une palette restreinte. Aujourd’hui, grâce à l’ordinateur, les possibilités sont infinies mais je préfère m’imposer ces mêmes règles, comme si j’étais obligée de composer avec presque rien.

Gelato Coppetta (c) Lucia Calfapietra

Gelato Coppetta (c) Lucia Calfapietra

Vous aimez le vintage, mais il n’y pas de nostalgie ni de mélancolie chez vous… Non pas du tout, j’aime cette légèreté propre à l’enfance, et offrir de la poésie et de l’humour à mes images.

Concrètement, comment travaillez-vous ? J’ai beaucoup de carnets, de feutres et de peintures à la maison, j’utilise tous les supports et notamment la tablette graphique. Il n’y a pas beaucoup de différence avec le papier. Dessiner directement sur l’ordinateur me permet simplement d’être plus rapide. Pour obtenir cet effet d’impression ancienne, je scanne de vieux papiers récupérés dans des brocantes.

Quels sont vos thèmes favoris ? La nourriture semble tenir une place de choix, n’est-ce pas ? Exactement ! Ça vient sans doute de mes origines italiennes. Dans ma famille, assez nombreuse, le repas était un moment de partage très important. Aujourd’hui encore je cuisine beaucoup pour mes proches. D’un autre côté, ce thème me permet aussi de jouer avec plein de couleurs et de textures différentes. Il est très riche.

Farfalla (c) Lucia Calfapietra

Farfalla (c) Lucia Calfapietra

On observe beaucoup de pâtes et des glaces dans votre portfolio... Oui, mais pas seulement, car je découvre aussi de nouveaux plats au fil de mes commandes, par exemple lorsque j’ai illustré le livre Et toi, qu’est-ce que tu manges ? de Chloé Mesny-Deschamps et Salomée Vidal.

Quelles seraient vos autres sources d’inspiration ? Les livres anciens pour enfants. De façon générale j’aime beaucoup la littérature jeunesse, pour l’innocence et l’humour qui s’en dégagent. Certains livres que j’ai lus en étant petite me parlent encore aujourd’hui. Mais ça n’a rien de simple à faire ! C’est encore plus difficile de travailler pour les enfants. Il ne suffit pas de créer des images criardes, c’est un art à part entière, il s’agit de composer un livre qu’ils pourront chérir toute leur vie.

Qu’est-ce qui vous influence encore ? Je regarde beaucoup autour de moi, en particulier les affiches publicitaires, les packagings dans les supermarchés, surtout quand je voyage. Quand j’en trouve de vieux, c’est la fête ! D’ailleurs avec mon compagnon, Nicolò Giacomin, qui est designer graphique, nous avons créé une gamme de fausses boîtes anciennes de bonbons, les “candy box”.

Comment votre travail a-t-il évolué ? Ces deux dernières années, au tout début du confinement, je me suis lancé un défi en développant une série autour des natures mortes : une coupelle d’oranges, une assiette de spaghettis posée sur une table… Il y a là un côté plus personnel, artistique. J’espère d’ailleurs monter une exposition à Marseille l’an prochain.

Propos recueillis par Julien Damien

À visiter / luciacalfapietra.com@luciacalfapietraLuciaCalfapietra

À lire / Les Philosophes parlent d’amour, de Juliette Grégoire & Lucia Calfapietra (L’Initiale), linitiale.fr (sortie en octobre) / Livre collectif The Patate Artbook, sortie le 07.11, www.exemplaire-editions.fr

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