Home Exposition Femmes, regards d’artistes afghans

Créer, c'est résister !

Untitled, 2012 - 2020 © Atila Noori

Depuis la prise de pouvoir des talibans en août dernier, une répression violente s’abat sur les Afghanes. Leurs droits sont intégralement remis en cause. Ainsi, le 23 mars, le gouvernement a décrété que les jeunes filles n’étaient plus acceptées au collège ni au lycée. De même, les femmes ont l’interdiction de monter seules dans un avion… Avec l’exposition Femmes, regards d’artistes afghans, la maison Folie Moulins de Lille apporte un éclairage inédit sur cette situation tragique. Onze artistes aujourd’hui réfugiés en France célèbrent le courage de leurs compatriotes, questionnent leurs conditions de vie et nous enjoignent de ne pas les oublier…

L’image est frappante : samedi 26 mars, une vingtaine de manifestantes se réunissaient dans les rues de Kaboul pour protester contre la décision des talibans d’interdire l’enseignement secondaire aux jeunes filles. Elles ont rapidement été dispersées par les “forces de l’ordre”. « Ce sont toujours et encore les femmes qui réclament leurs droits et se battent pour cela ! Le monde ne devrait pas les oublier, ainsi que les raisons de leur lutte », s’insurge Nasrullah Alam, conseiller artistique de cette exposition. A travers Femmes, regards d’artistes afghans, la maison Folie Moulins met justement à l’honneur ce combat pour la liberté. « Le projet a été mené par la ville de Lille dans le cadre du programme d’accueil des réfugiés afghans arrivés ici depuis le mois d’août, explique Charlotte Morel, directrice des arts visuels auprès de la municipalité. Nous voulions d’abord donner l’opportunité à ces artistes de livrer leur point de vue pour la première fois en Europe et sensibiliser le public lillois à la culture afghane. Cette exposition démonte aussi pas mal de clichés ».

Le cri du corps

Ces onze créateurs et créatrices témoignent de la condition féminine dans leur pays en multipliant les supports (peintures, collages, photographies, films…). A l’image d’Atefeh Amini qui, à travers une série de dessins abstraits, représente le cycle menstruel, sujet ô combien tabou dans cette société patriarcale… Kubra Khademi a quant à elle choisi de dévoiler des nus féminins pour dénoncer une loi stipulant qu’à partir de cinq ans, le corps d’une fille appartient à tout le monde. Cette artiste dissidente n’en est pas à son coup d’essai. Il y a sept ans, elle a fui son pays après avoir déambulé dans les rues de Kaboul vêtue d’une armure exagérant ses formes, fustigeant le harcèlement subi depuis son enfance.

Objectif lutte
Si certaines œuvres sont éminemment politiques, d’autres focalisent sur des scènes quotidiennes. Le reporter Atila Noori dévoile une série de photos prises avant le retour au pouvoir des talibans. Il montre des femmes autrement moins réprimées qui sourient, discutent, peignent et, surtout, travaillent, parfois plus que les hommes. « Elles étaient comme toutes les femmes du monde, explique-t-il. Elles rencontraient plus ou moins les mêmes difficultés, avec des désirs et des rêves identiques. Leur vie est désormais bouleversée ». Hadi Mehraeen, photographe, a également choisi de capturer les formes de résistance a priori anodines. « Ici, on voit par exemple un groupe de jeunes en randonnée. C’est très rare en Afghanistan d’observer des garçons et des filles ensemble ». Il s’attarde aussi sur une autre image avec deux femmes qui marchent seules dans la rue. « Elles n’ont pas besoin d’un homme pour sortir. Elles affirment leur force et leur indépendance. J’aime beaucoup cette scène ».

L’espoir d’un retour

Pour les centaines de milliers d’Afghans exilés depuis août 2021, l’avenir est incertain mais les rêves survivent au chaos. « Je voudrais travailler pour une agence de presse comme l’AFP ou Associated Press », témoigne ainsi le jeune Hadi Mehraeen. Atila Noori poursuit lui son travail de reporter pour des médias afghans qui émettent en Europe. La plupart de ces artistes espère en tout cas revoir leur terre natale un jour. « Ils sont reconnus dans leur pays, souligne Charlotte Morel. De plus, beaucoup ont laissé une partie de leur famille là-bas… ». Loin des yeux, mais pas du cœur.

Maïssam Mezioud // © Atila Noori
Informations
Lille, maison Folie Moulins

Site internet : http://www.mfmoulins.mairie-lille.fr

09.03.2022>10.04.2022mer > dim : 14h-19h, Gratuit
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