Odezenne
En haut lieu
Formé au début des années 2000 par Jacques Cormary, Mattia Lucchini et Alix Caillet, Odezenne dénote dans le paysage musical français, entre spoken word désabusé, poésie enfumée et electro nerveuse. Après les remarquables Dolziger Str.2 et Au Baccara, le groupe bordelais est de retour avec 1 200 mètres en tout, mirifique cinquième album empli de vie, d’amour mais aussi marqué par la perte. Soit 16 compositions hors du temps, parfois loufoques, et surtout foisonnantes de styles – du rap autotuné de Deux traits aux synthés hypnotiques de Mr. Fétis, en passant par le “daftpunkien”Mamour. Entretien avec Jacques, dit “Jaco”.
Quelle est l’histoire de votre trio ? Mattia et Alix se sont rencontrés au collège, en classe de cinquième. Ils avaient déjà fondé un premier groupe lorsque je suis monté dans le wagon. À l’époque je vivais de jobs alimentaires, notamment à Rungis. À côté de ça j’écrivais, produisais un peu de son. On a sorti notre premier album en 2008, sans. chantilly.
Pourquoi vous appelez-vous Odezenne ? C’est le nom de l’ancienne proviseure d’Alix et de Mattia, on l’a utilisé dans un freestyle puis on l’a gardé, parce qu’il sonne bien.
Justement, comment définiriez-vous votre son si particulier ? On chante toujours en français, et on part dans tous les sens entre le rap, l’electro, le rock, la pop… On ne calcule pas, et on n’imite personne. A nos débuts on était un peu bloqué dans un carcan jazz, hip-hop. Depuis le disque Rien, en 2014, on a toujours essayé d’évoluer, de cultiver une certaine liberté. On est en constante recherche. Avec 1 200 mètres en tout on s’est vraiment fait plaisir, avec la musique autant que les textes.
Comment avez-vous conçu cet album ? On revenait d’une grosse tournée qui s’est terminée fin 2019, à New York. On envisageait une pause après deux ans passés sur les routes pour Au Baccara et Pouchkine, et puis le temps s’est arrêté… On est donc retourné en studio plus vite que prévu. A bien y regarder, on est toujours en confinement, à travailler toute la journée dans notre cave… Au départ on ne voulait sortir que des singles mais on a tellement bossé que l’album s’est imposé naturellement. Il s’agit d’une “photographie” de cette période inédite, avec des bonnes et des mauvaises nouvelles. On parle ici d’amitié, d’amour mais aussi de deuil. (ndlr : Vu d’ici, qui clôt l’album, est un hommage à la sœur d’Alix, décédée d’un cancer en fin d’année dernière).
Que signifie ce titre, 1 200 mètres en tout ? C’est une hauteur à laquelle on atteint la plénitude. Même en restant au niveau du plancher des vaches. L’album reflète cette humeur en dents de scie, de 0 à 1 200 mètres d’altitude. La vie ressemble à des montagnes russes.
Oui, vos chansons sont très rythmées, emplies d’humour, mélancoliques aussi. Il y a notamment une notion qui revient souvent : celle du temps qui passe et détruit tout… Chacun est libre d’y voir de la mélancolie, moi je ne cherche pas à l’être. En tout cas, on se marre beaucoup ensemble ! En fait, ce qui nous caractérise le plus, je crois, c’est une forme de pudeur. On n’est jamais dans l’excès lorsqu’il s’agit d’évoquer des sentiments, la joie comme la tristesse. Dans le morceau Géranium par exemple, lorsque je dis « ça fait de l’eau pour les géraniums », je ne parle pas directement de pleurs, de larmes, mais le sous-entend… On aime mêler ces deux dimensions, loufoquerie et mélancolie. Dans la vidéo accompagnant cette chanson, je joue par exemple le rôle de l’accessoiriste joyeux d’un clip triste.
Qu’en est-il du clip de San Pellegrino, où Pio Marmaï laisse échapper toute sa rage à coups de club de golf ? Le morceau raconte l’histoire d’un mec marié et père de deux enfants. Un jour, il a un coup de coeur pour une fille, une serveuse. Toute sa vie est alors remise en question : son couple va-t-il exploser ? Pour illustrer cet état, on a proposé à Pio de tout casser dans un appartement, d’arracher le lustre, d’exploser les meubles… et ça l’a bien éclaté !
L’appartement est celui d’Alix, n’est-ce pas ? Oui, il venait d’avoir les clés ! On l’a décoré pour le clip, car il était vide, avant de tout détruire. En tout cas maintenant, il peut envisager ses travaux tranquillement, Pio lui a fait économiser le coût de la démolition des murs !
Parlons de cette tournée, que verra-t-on sur scène ? Nous sommes quatre avec le renfort de Stefano (le frère de Mattia) qui est batteur. On joue les titres du dernier album et certains des précédents… On a vraiment hâte de retrouver notre public. D’ailleurs, en novembre dernier on a proposé une écoute de l’album deux mois avant sa sortie dans notre studio. On a payé 100 billets de train ou d’avion à des gens venus d’Irlande, du Portugal et de toute la France. Ils ont passé une semaine à Bordeaux tous frais payés ! C’est notre façon de les remercier.
Vous changez de studio ? Oui, on quitte l’historique Concorde pour un tout nouveau bâtiment. Il est situé en plein centre-ville de Bordeaux. On va pouvoir inviter des potes comme Julia Lanoë par exemple avec qui on a composé Une Danse de mauvais goût. Et pourquoi pas envisager une première signature sur notre label, Universeul ?
Avec quels artistes avez-vous des affinités ? On s’entend bien avec Vitalic, Pone, Muddy Monk… mais sans nécessairement bosser ensemble. On ne cherche pas les collaborations à tout prix. Alix adore les nouveautés, moi je n’écoute que des gens morts ! Ah, non, en ce moment j’écoute aussi des choses plus fraîches, comme Sade Night Dynamite, de jeunes Anglais qui déchirent