Giorgio Griffa
Le chant des signes
Connaissiez-vous Giorgio Griffa ? Considéré comme l’un des peintres les plus radicaux de sa génération, l’Italien fut jusqu’ici peu représenté dans l’Hexagone, où sa dernière exposition d’envergure remonte à 2016, à Arles. Rendons grâce au LaM de Villeneuve d’Ascq, qui consacre à cette figure discrète mais majeure un parcours sous forme d’abécédaire, à l’image de son art : empli de mystères, de couleurs et de poésie.
Des lignes et arabesques, de subtiles touches de couleurs lumineuses ou pastel (que n’aurait pas reniées Matisse), de larges espaces vierges peuplés de mots et de chiffres : les tableaux de Giorgio Griffa se réduisent à l’essentiel. « Je ne représente rien, je peins », déclare-t-il. Depuis plus d’un demi-siècle, le Transalpin laisse aller sa main sur de grandes toiles de lin ou de jute posées sur le sol, composant librement avec des gestes simples, tel un danseur. « Il cherche constamment l’équilibre entre les formes, un peu à la manière d’un funambule », analyse Sébastien Delot, le directeur du LaM. Le Turinois n’est certes pas dans la démonstration picturale, visant plutôt le minimalisme et « la légèreté », son œuvre n’est pas pour autant dénuée de profondeur. Bien au contraire…
Vers l’infini et au-delà
Proche à ses débuts de l’Arte Povera (il est né à Turin, soit « le centre névralgique du mouvement »), Giorgio Griffa a développé un vocabulaire très riche constitué de signes spécifiques et répétés à l’envi. Épuré, ce langage ne revisite rien de moins que l’histoire de l’art, renvoyant aux « prémices de la création humaine, au Néolithique » comme à la renaissance italienne ou à Paul Klee – dont on attend d’ailleurs les œuvres à Villeneuve d’Ascq en septembre, pour un dialogue inédit entre les travaux des deux artistes. Observant « 30 000 ans de mémoire » mais ancré dans son temps, son langage se nourrit également de littérature, de poésie (le tableau Undermilkwood fait référence au Gallois Dylan Thomas) et de science. La série Canone Aureo témoigne ainsi de son intérêt pour le nombre d’or. Inventé durant l’Antiquité, celui-ci sert à calculer les proportions idéales pour la composition et l’harmonie d’un tableau. Il est synonyme de perfection mathématique mais aussi d’infini, que le peintre traduit par cette sensation d’inachèvement, avec des chiffres comme suspendus dans le vide. « Mes travaux ne sont jamais terminés », commente l’Italien, qui cherche ici à échapper au présent.
Le rythme dans la toile
Le temps, la matière, le signe, la couleur… Autant de thèmes orchestrés dans un parcours rassemblant une centaine de toiles et de dessins. À rebours de la rétrospective “classique”, l’exposition prend la forme d’un abécédaire dévoilant par petites touches les obsessions de l’artiste. « Nous évoluons entre des œuvres récentes et an- ciennes. Des formes apparaissent, disparaissaient puis reviennent… un peu comme des chants, précise Sébastien Delot. La peinture de Griffa respecte un rythme, dont les signes et couleurs sont autant de variations ». Synesthésique, cette déambulation joue également avec l’espace et les rapports d’échelles, certaines créations ne mesurent que quelques centimètres tandis que d’autres occupent plusieurs mètres. Ne cherchons toutefois pas à les intellectualiser à l’excès, car elles procurent avant tout « une délectation visuelle » au visiteur. Laissons-nous donc happer par ces Merveilles de l’inconnu.
Site internet : http://www.musee-lam.fr/
Collections permanentes accessibles du mardi au dimanche de 10 h à 18 h.
Exposition temporaire et collections permanentes : 10 / 7 €
Collections permanentes : 7 / 5 €