Jean-Michel Leuillier
En avant les histoires !
Tout a commencé avec une bête appendicite à six ans et demi et un cadeau de consolation : une boîte de Playmobil avec cinq cowboys. Une révélation pour Jean-Michel Leuillier, qui se pique de consti- tuer des dioramas avec toute sa famille, soit des mises en situation de sa collection. Le virus ne l’a jamais quitté. Près de cinquante ans plus tard, il est sans doute l’un des plus grands col- lectionneurs de Playmobil au monde. Rencontre devant le coffre à jouets.
Combien possédez-vous de pièces ? Plus d’un million, en comptant les colliers, bottes, épées… En tous cas, plusieurs dizaines de milliers de personnages et animaux. Pour la reconstitution de Danse avec les loups, on a rassemblé 500 bisons sur 40m2. Nous possédons également énormément de bâtiments, dont de nombreux châteaux médié- vaux. Ainsi, on peut concevoir pratiquement n’importe quel type d’architecture, de la place Saint- Marc de Venise jusqu’à la Chartreuse de Neuville en passant par des grands hôtels.
Comment stockez-vous tout cela ? Nos collections ne restent pas dans leurs boîtes. Elles sont ouvertes, classées et rangées dans des bacs. Chez nous, on trouve toujours un ou deux dioramas en préparation. L’essentiel du stock est dans un bâtiment sécurisé, suffisamment vaste pour retrouver tous les éléments utiles, distinguer le département Far West du Safari.
Avez-vous des pièces préférées ? Oui. Celles qu’enfant, je n’avais pu acquérir. Des boîtes du Moyen- Âge, qui datent de 1974, sous cel- lophane. Je n’ai jamais pu me ré- soudre à les ouvrir.
Y a-t-il une pièce que vous recherchez particulièrement ? Non.Lorsqu’une série ne me plaît pas, comme celle des agents secrets, j’en achète juste un exemplaire, au cas où j’en aurais besoin plus tard. Presque tous les thèmes ont été abordés, sauf la Chine, où Playmobil peut mieux faire. Et les Première et Seconde Guerres Mondiales. Ces sujets sont sans doute tabous pour une marque allemande.
Avez-vous constaté une évolution dans la fabrication des Playmobil ? Depuis le milieu des années 1980, les personnages sont mieux travaillés (articulation, vêtements imprimés). Sinon, je regrette l’évolution des bâtiments, qui sont nettement moins modulables. J’ai noté ce virage à la mort de Hans Beck, le fondateur de Playmobil.
Vous êtes-vous spécialisés dans la conception de dioramas ? Oui. Depuis 2009, nous avons réa- lisé une quarantaine de dioramas 2 de 120 m , dont Londres en 1912, les batailles de Little Big Horn et de Bouvines. Pour cette dernière, il ne s’agissait pas simplement de placer 4 000 personnages sur un tableau. On a repris les 17 armoiries de l’époque, les blasons. L’historien Jean-Louis Pelon nous a aidés, et commentera l’installation à l’occasion du 800e anniversaire de la bataille l’année prochaine.
Jusqu’à quel point respectez-vous les faits historiques ? Au maximum. Ma seule limite est de ne pas trop détourner l’environnement des Playmobil, en concevant trop d’éléments extérieurs… Ainsi, pour la place Saint-Marc, très rapidement identifiable, il a fallu composer avec des pièces d’églises, de centres équestre. C’est d’ailleurs là qu’on a attiré l’attention de Playmobil France. On leur a comman- dé tout à coup 2 600 pigeons. Ils ne comprenaient pas ce qu’on voulait faire avec ça.
Combien de temps consacrez-vous à ces expositions ? Trois heures par soir à se documenter, lire, prendre des notes, travailler des micro-scènes, peindre un liseré sur des petits tonneaux. La mise en place dépend quant à elle de la surface. 50 m2 représentent une grosse journée pour deux personnes.
Comment composez-vous avec la famille, le travail ? Ma femme est aussi acharnée que moi. Je m’occupe de la mise en scène et elle est une remarquable accessoiriste et costumière. Pour Bouvines, elle a passé trois mois à peaufiner les armoiries. Je n’aurais pas la patience. Même mon père donne désormais des coups de main : il coupe des hippopotames et des crocodiles pour Tarzan !
Et vos enfants ? Mon fils nous a toujours vus exposer. Donc pour lui, le Playmo n’est pas un simple jouet. Bon, il réalise quand même un diorama par an : Les Pirates à 6 ans, à 7 ans, L’Âge de Glace et à 8 ans le Marché de Noël…
Est-ce une activité onéreuse ? Il faut compter 250 euros pour une série, soit sept à huit boîtes. En quarante ans de collection, c’est le budget d’un couple de fumeurs : tout notre argent de poche y est passé ! Notre plus gros investissement est l’achat récent de 4 500 Romains et de 2 500 Egyptiens.
Êtes-vous en contact avec la marque Playmobil ? J’entretiens des relations cordiales avec les responsables français et je sais que le siège allemand, à Zirndorf, m’a repéré. J’aimerais monter un musée pour exposer convenablement, en perfectionnant le décor et la lumière, mais l’entreprise ne perçoit pas l’intérêt de ma démarche.
Pourtant vous apportez un supplément d’âme à leur produit… Eh bien oui. On lui confère une vertu d’enseignement. Il y a des gamins de dix ou douze ans qui ont découvert Philippe Auguste devant « notre » Bataille de Bouvines, ou même les Pictes à partir de la IXe légion qu’on a représentée récemment. Un concours de circonstances avec le dernier Astérix, d’ailleurs !
Quels sont vos projets ? J’ai de quoi alimenter des projets jusqu’à un âge canonique ! D’ailleurs, je ne peux plus regarder un film ou un monument sans imaginer une adaptation, un prolongement.
À visiter / http://playmojmisaeric.over-blog.com