Robin Wen
L'essence de la fête
Nées à la fin des années 1980 en Angleterre, en réaction à une loi de Margaret Thatcher obligeant les clubs à fermer à deux heures du matin, les rave puis free-parties n’ont jamais eu bonne presse. On les présente régulièrement comme des rassemblements de dégénérés, des fêtes clandestines où la drogue pullulerait… Adepte de cette contre-culture, Robin Wen la restitue sous un jour autrement plus rayonnant. Exposées à Bruxelles, ses oeuvres témoignent d’un mode de vie guidé par la quête de liberté et l’amour de la musique.
La free-party comme vous ne l’avez jamais vue. Aux clichés véhiculés par les chaînes d’info et ses reportages embrumés de gaz lacrymogènes, Robin Wen oppose des scènes plus intimistes et joyeuses. Corps enlacés, jeunesse sublimée dans des poses hédonistes… « Je voulais apporter un regard plus sensible et positif sur ce milieu, qui souffre encore de préjugés », explique cet artiste installé à Bruxelles. Le jeune homme connaît plutôt bien son sujet. Originaire de Gap, il a fréquenté les free-parties « dès la fin du collège » avant de monter son propre sound system au pied des montagnes alpines, pour y faire résonner des rythmes transe et tribe – une techno typique de ce mouvement. De ces fêtes gratuites et secrètes, il loue le sentiment de liberté, ce plaisir de vibrer ensemble devant un mur de son ou simplement la créativité, dont luimême ne manque pas, comme en témoignent ses oeuvres.
Lumières dans la nuit
On retrouve dans ses compositions les éléments symboliques de la free-party : tenues militaires, crânes rasés, capuches, tentes, voitures garées au milieu de nulle part… Une démarche documentaire ? Pas exactement. Passé par La Cambre, Robin Wen privilégie un style oscillant entre l’hyperréalisme et le fantastique, l’abstraction et la figuration. À l’instar de ce tableau qui immortalise un faisceau de lumière déchirant l’obscurité, traduisant toute l’étrangeté de ces agapes électroniques : « c’est presque un moment sacré ». Le fond dénote, tout autant que la forme, car le Français use d’une technique très singulière.
Bille en tête
Ses dessins s’appuient sur des photographies, prises lors de soirées ou dénichées sur le web. Plus surprenant, ils sont réalisés au stylo à bille, bleu ou quatre couleurs, offrant de délicieuses teintes acides à ces images. « J’adore cet outil. On le trouve un peu partout mais il n’a pas d’héritage historique, comme la peinture à l’huile. Je souhaitais en faire un objet plus noble, confie-t-il. J’aime aussi travailler avec ce flux continu d’encre. Le geste devient méditatif, comme une transe ». À la Tour à Plomb de Bruxelles, où l’artiste inaugure sa première exposition solo, on découvre également ses peintures, notamment une série de portraits de teufeurs dignes de tableaux de la Renaissance. Sauf qu’ici, les modèles nous tournent le dos, participants anonymes mais hautement symboliques de rassemblements cultivant la clandestinité. Jusqu’à quand ? Citant Bourdieu, Robin Wen en est persuadé : « toute contre-culture finit par devenir une culture… en tout cas, je m’y emploie ». Plutôt bien, n’est-ce pas ?
À visiter / robinwen.be // @ robin.wen.be