René Magritte. Les Images révélées
Tirage à part
De Magritte, on connaît bien sûr les tableaux. Un peu moins les photographies, ou même les films amateurs. Pourtant, le maître du surréalisme nourrissait un rapport étroit avec l’image dite “mécanique”. Le Musée de la Photographie de Charleroi rassemble plus de 130 clichés originaux, réalisés pour la plupart par lui-même. Originale, cette exposition éclaire d’un jour nouveau l’œuvre de ce passionné de cinéma.
La révélation de ce violon d’Ingres fut assez tardive, survenant dix ans après sa disparition, en 1967. Magritte, qui ne se considérait pas comme peintre (et encore moins photographe), n’a jamais exposé ses clichés. « Ils sont connus depuis les années 1970, mais furent longtemps jugés sans importance », explique Xavier Canonne, le commissaire. A une époque où cette pratique était l’apanage d’une poignée de « happy few », le Lessinois en fit pourtant moult usages, ici décryptés à travers sept sections thématiques.
Art et essai
A Charleroi, on ouvre d’abord l’album de famille, dévoilant ses parents, ses vacances ou son mariage avec Georgette, capturés par lui-même ou ses proches. Ceux-ci furent d’ailleurs essentiels dans son travail. « Magritte n’a jamais eu de modèle professionnel, parce que ça l’emmerdait et coûtait cher. Il sollicitera donc ses amis et son épouse. On la retrouve souvent dans ses photos, le couple se mettant en scène dans des images formant le précipité de ses tableaux ». Citons La Tentative de l’impossible, montrant une femme apparaissant sous le pinceau du peintre, et dont on découvre ici une photo préparatoire avec Georgette posant en maillot de bain. « D’ailleurs, d’un point de vue technique, il y a aussi une grande correspondance entre ses peintures et ses photos : elles sont nettes, lisses et très descriptives ».
A contrario, d’autres de ses clichés n’ont aucun équivalent sur toile « et demeurent des œuvres à part entière ». Telle La Marchande de sommeil, où Magritte a simplement déposé une pipe au-dessus de la tête de sa femme endormie au soleil, sur le sable, ou encore L’Ombre et son ombre, où ils “fusionnent” leur visage. « C’est une sorte de création spontanée. Au fond, il se sert de la photographie comme d’un carnet de notes ».
Au cinéma
Au fil de ce parcours on remarque aussi nombre de portraits où il se cache le visage. Avec les mains ou, comme dans Le Géant, un échiquier… « C’est une façon de nier la représentation ». Qu’attend-on d’une bonne photo ? Qu’elle soit fidèle à la réalité. Une hérésie pour Magritte, pour qui « les traits du visage n’expriment en rien notre nature, souligne Xavier Canonne. On peut sourire mais être triste. Chez lui, le mystère demeure essentiel ». Le réel n’est-il pas invisible, insaisissable ? Une raison pour laquelle il appréciait tant Fantômas… La dernière section de l’exposition révèle justement sa passion pour le cinéma. Magritte tourna quelques films en Super 8, mettant en scène ses amis dans des séquences burlesques, « mais en prenant la chose très au sérieux ». Nourrissait-il des ambitions en ce sens ? On n’en sait rien. Mais Xavier Canonne en reste convaincu : « S’il était né plus tard, il aurait sans doute vu dans la photo un moyen de diffuser son œuvre ». Pour sûr, il aurait compté quelques followers.