L’art dans la peau
International Lille Tattoo Convention
« L’art, c’est le plus court chemin de l’homme à l’homme », écrivit Malraux. une définition qui sied plutôt bien au tatouage. Ce n’est pas Jean-Marc Bassand qui dira le contraire : il se bat depuis des années au sein du syndicat national des artistes tatoueurs (SnaT) pour la reconnaissance de cette discipline en “10e art”. en attendant, le Bisontin organise à Lille grand palais la 3e édition de l’International Lille Tattoo Convention. Alors, jetons l’encre !
Quel est le principe de cette convention ? Il s’agit de présenter la palette la plus large possible de styles. On attend plus de 250 artistes internationaux. Beaucoup proviennent des Hauts-de-France ou de Belgique mais aussi d’outre-Atlantique, d’Asie, d’Europe… On accueille par exemple le Péruvien Lucho Morante ou toute une colonie d’Anglais (Jolie Rouge ou Crown of Thorns)… Bref, on offre la possibilité de se faire tatouer par des gens venant du bout du monde !
Quels sont les temps fort de la manifestation ? Il y a différents concours tout au long du week-end. Le “Best of Day” récompense par exemple le plus beau tatouage réalisé dans la journée et le “Best of Show”, celui du week-end. Vendredi, on recrée une animation qui avait cours dans les années 1990 aux Etats-Unis, la “Tattoo War”: quatre artistes formant deux binômes s’affrontent”, tatouant chacun leur client. Le public vote pour la plus belle création.
Quelles sont les dernières tendances ? La discipline s’est largement démocratisée, on rencontre de plus en plus de tatoueurs issus des beaux-arts, de l’infographie, du graffiti… Ils apportent du sang neuf, avec un style très graphique. Plus rien à voir avec les portraits de Johnny ou les têtes de loup, sans dénigrer ces motifs. En 30 ans, on a revisité l’histoire de l’art. En partant d’une technique simple pour aborder des sujets réalistes et aujourd’hui abstraits, impressionnistes, néo-cubistes. On note aussi une vague ornementale avec des formes géométriques de types mandalas, ornant le corps tel un bijou.
Quand le tatouage est-il né ? Il y a 4 000 ans en Océanie, aux Îles Marquises. Il a ensuite gagné le Japon, l’Australie… puis fut popularisé en europe grâce au capitaine James Cook qui a amené des Tahitiens à la fin xviiie siècle en Grande Bretagne. Le mot tatouage provient d’ailleurs du tahitien “tatau”, signifiant “marquer”.
Pourquoi les Tahitiens se tatouaient-ils ? Pour afficher leur appartenance à une tribu, un rang social… Mais aussi pour indiquer s’ils avaient des enfants ou portaient le deuil. Cela avait à l’époque un caractère très pratique.
Que représente-t-il aujourd’hui ? Le tatouage a évolué, il est plus artistique. On s’y intéresse donc pour une raison esthétique. Sinon, il s’agit de marquer une étape importante de sa vie comme une naissance, un décès ou pour rendre hommage à quelqu’un.
N’est-il pas trop répandu désormais ? Je vais avoir 40 ans et, à l’époque, on se tatouait pour être différent des autres, en marge de la société. Aujourd’hui, j’ai l’impression qu’on le fait pour être comme tout le monde… Donc oui, malheureusement, notre art souffre aussi d’un phénomène de mode. Les gens veulent ressembler à leurs stars préférées et, plutôt que de porter le même perfecto qu’Alice Cooper, s’offrent le tatouage de Rihanna ou ceux des footballeurs. Ceux-ci nous ont d’ailleurs fait beaucoup de mal, avec des goûts parfois douteux…
Pouvons-nous considérer le tatouage comme un art ? Bien sûr ! Seul le support diffère : les tatoueurs utilisent les courbes et les formes du corps pour le rendre plus harmonieux. Hélas, il n’est toujours pas reconnu officiellement comme tel.
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