Afriques capitales
Nomad’s land
La création contemporaine africaine s’affiche à Lille dans toute sa diversité, avec des artistes pour certains jamais vus en France. Sous-titrée Vers le Cap de Bonne-Espérance, cette exposition invite à parcourir un continent complexe, entre mythes, symboles ou problématiques actuelles. Un voyage poétique et salutaire, à l’heure où l’Europe se replie sur elle-même.
Réhabilitée en haut lieu culturel en 2009, la Gare Saint Sauveur renoue jusqu’en septembre avec sa vocation historique : le voyage. Et quel voyage ! Afriques capitales embrasse un territoire qui s’étend du Maghreb jusqu’au Cap de Bonne-Espérance, soit la pointe de l’Afrique du Sud. Orchestrée par Simon Njami, commissaire de la dernière Biennale de Dakar, cette exposition collective rassemble les oeuvres de plus d’une trentaine d’artistes contemporains africains. Installations, vidéos, photos, peintures, sculptures… On découvre un vaste panorama de techniques et de supports. De sujets, aussi. « Rappelons que l’Afrique n’est pas un pays mais un continent très contrasté, riche d’une multitude d’histoires. Vous ne vivez pas la même chose au Caire et au Cap. Il n’existe pas une sorte d’homo-africanus générique, insiste l’écrivain et essayiste. Cet accrochage révèle ainsi des préoccupations très variées : certaines sociétales, d’autres plus joyeuses ou personnelles ».
Histoire immédiate
Pour autant, il est beaucoup question de politique. Poussant les portes de “Saint So”, nous sommes accueillis par une installation monumentale. Signée par Moataz Nasr, représentant de l’Égypte à la Biennale de Venise en mai, celle-ci ressemble à une pyramide sur laquelle le public est invité à grimper. Arrivé au sommet, des ailes se déploient dans le dos du visiteur, mais aussi une inscription, « I’m free », en référence aux slogans de la révolution égyptienne. Tout aussi engagée, Crossings, de Leila Alaoui, tuée à Ouagadougou en 2016 lors de l’attaque du Cappuccino, relate le calvaire de migrants subsahariens, traversant la Méditerranée pour gagner une terre qu’ils imaginent meilleure. Mêlant témoignages réels et fiction, cette installation vidéo montre à quel point l’Europe persiste dans l’imaginaire africain comme un eldorado, une utopie toxique. La planète est devenue un village global où les chances de départ sont très aléatoires. Le Béninois Meschac Gaba réinterprète cette idée avec poésie. Sweetness se présente ainsi comme la maquette d’une ville rassemblant des monuments historiques du monde entier, tout en sucre. Pour l’occasion, l’artiste y a ajouté le Beffroi de Lille. Cette cité symbolise donc une société unifiée mais fragile. Celle-ci est bâtie avec une substance renvoyant aux heures sombres de l’Histoire : ce sont les esclaves africains, déracinés par les Portugais, qui s’échinèrent dans les plantations de sucre brésiliennes jusqu’à la fin du xixe siècle…
Ni thématique, ni chronologique (« j’ai horreur de ça »), ce parcours est avant tout conçu comme une déambulation, instaurant un dialogue entre les oeuvres. Pour exemple Calao, cette tenture du Malien Abdoulaye Konaté, qui montre l’oiseau sacré des Sénoufos chargé de transporter les âmes des défunts. Elle est placée en face des photos chamarrées du Marocain Hassan Hajjaj, magnifiant les vendeurs de Marrakech. « Voici deux déclinaisons sur le thème du voyage : l’un est spirituel, l’autre physique… commente Simon Njami. J’invite le spectateur à explorer des terres étrangères, pas à un cours de géographie ni d’histoire de l’art, il s’agit de se découvrir soi-même. Comme dans tous les voyages ».
Site internet : http://www.lille.fr/cms/accueil/culture-lille/Musees-et-expositions/Lieux_expositions_et_galeries/gare-saint-sauveur-lille