Ruben Ireland
Drôle d'animal
Des guerrières insaisissables, une référence importante au monde animal, mais aussi à la pop culture… Les compositions de Ruben Ireland sont reconnaissables au premier coup d’œil. Mais derrière ces portraits oniriques de femmes se cache un sens plus profond que cet artiste établi à Londres nous dévoile. Entretien.
Comment peut-on vous présenter ? Je ne sais pas comment me qualifier : artiste ou illustrateur ? J’accepte des commandes et j’expose aussi fréquemment mon travail dans des galeries. Actuellement, je préfère me décrire comme un « faiseur d’images », cela couvre tous les champs.
Comment décrire votre travail à quelqu’un qui ne l’a jamais vu ? Difficile à expliquer. Ce serait faux de dire que je crée des portraits car je ne cherche pas à sonder, représenter une personne, même si les visages sont la caractéristique principale de mon travail.
Que visez-vous donc ? Le sujet est rarement les femmes dont je fais le portrait, mais plutôt mes amours, mes peurs et mes rêves. Dire que je suis un artiste qui peint les femmes serait réducteur. Je les mets en scène, utilise une forme de symbolisme pour aborder des idées, des émotions, la culture pop, la nature, etc.
Par quoi êtes-vous inspiré ? Peinture, cinéma, littérature, musique, photographie ? Et pourquoi trouve-t-on dans votre travail des références à Pulp Fiction, Leon, Björk ou Daft Punk ? On nous bombarde de lumières, d’images, de sons, d’histoires, de réclames à moins 20% et des offres de somnifères. Je pense qu’il est très intéressant de voir comment les artistes digèrent cette culture et l’expriment en retour.
De manière générale, êtes-vous attiré par le fantastique ? Je ne me reconnais pas du tout dans le fantastique et je n’aime pas ça. Même si certaines parties de mon travail semblent irréelles, je parle de choses qui existent. Je ne propose pas un monde différent. J’utilise la juxtaposition, le surréalisme et le symbolisme pour parler de mes émotions et de la vie quotidienne.
Qui sont vos modèles ? Comment les choisissez-vous ? Avant je travaillais avec des amis et plus récemment avec quelques modèles. Il est vrai que j’ai aussi croqué certains personnages de films, mais de manière assez anecdotique. En fait, j’évite de m’intéresser trop aux célébrités car je vise un caractère plus universel et plus ambigu.
En dépit du cadre guerrier, une certaine douceur se dégage de vos dessins… Cultivez-vous ce paradoxe ? Oui, c’est un sujet très important pour moi. Ma vie personnelle se divise en moments de grande paix et d’angoisse. Je compose avec ce type de dualités : je me sens à la fois fort et faible, je passe facilement de la joie au désespoir… Je suis ravi que l’on perçoive cette ambivalence dans mon travail.
Pourquoi trouve-t-on aussi ces références animales dans vos dessins ? Pour la portée symbolique : les serpents sont malins et manipulateurs. Les ours sont féroces, forts et protecteurs. Les loups sont rapides et ont le sens de la communauté. Les lapins sont prudents, etc. En tant qu’humains nous possédons tous ces traits, naturellement. Et les animaux sont une bonne manière de les traduire dans un dessin.
Si vous deviez faire votre autoportrait, quel serait votre animal totem ? C’est une très bonne question ! En ce moment, ce serait un ours, même si je ne suis pas grand. J’ai tendance à diviser les années de ma vie en deux parties. La première moitié est consacrée à la socialisation et au déplacement, et je passe l’autre moitié à m’isoler durant des semaines dans mon studio pour travailler. Je peux donc avoir de l’empathie avec l’instinct d’hibernation des ours.
Quelle technique utilisez-vous ? J’utilise aussi bien la peinture, le dessin, la photographie, le collage que des programmes digitaux.
Pourquoi une telle variété ? J’ai toujours utilisé mes mains pour créer, mais j’ai découvert avec les nouvelles technologies que la plupart des pratiques traditionnelles peuvent être prolongées par le digital, sans perdre cette « touche humaine ». On observe d’ailleurs la même tendance dans la musique électronique où les producteurs utilisent des instruments analogiques pour créer leur son.
Comment utilisez-vous la couleur ? Avec parcimonie. Même si j’apprécie les œuvres colorées (Hikari Shimoda par exemple), je suis plus à l’aise avec les tons noir et blanc. J’utilise plutôt la couleur à l’intérieur d’un espace monochrome.
Pour qui travaillez-vous ? En ce moment, je ne réponds à aucune commande car je concentre mon énergie sur une exposition qui débutera en juin, à l’Atomica Gallery de Londres. J’ai aussi quelques pièces qui rejoignent des expositions collectives ces prochains mois, dont une à la galerie iam8bit de Los Angeles, ainsi qu’une collaboration avec le magazine Beautiful Bizarre et la galerie Friends of Leon en Australie. Enfin, je suis impatient de collaborer avec les artistes Jenny Liz Rome et Meera Lee Patel.
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