Le Louvre-Lens
Attention peintures fraîches !
Tout près de ces terrils, soixante siècles vous contemplent ! Annoncé depuis huit ans, le Louvre-Lens ouvre enfin ses portes . Sis dans un bassin minier désormais classé à l’Unesco , ce n’est pas une antenne du prestigieux homonyme parisien , mais un musée à part entière. Avec une politique éditoriale et des choix d’œuvres qui font sens, répartis sur 5 500 m ². Le site est quatre fois plus grand. Si on faisait le tour du propriétaire ?
Pour se rendre au Louvre-Lens, une belle allée immaculée trace son chemin au milieu d’enfants gambadant sur une pelouse verdoyante, sous les yeux attendris de leurs parents, confortablement installés sur quelques bancs et… bon, certes, on exagère un peu. Le parc ne verdoiera pas avant deux ans. Le chantier à peine achevé, le Louvre-Lens s’offre dans le plus simple appareil : aéré, lumineux, transparent. Dès l’entrée, on est saisi par la clarté de ce vaste hall. On peut s’y restaurer, consulter un ouvrage à la bibliothèque ou se diriger vers la première des galeries. 1 800 m² consacrés aux accrochages temporaires. L’exposition liminaire porte sur la Renaissance en Europe aux XVe et XVIe siècles. Peintures, sculptures, objets ou dessins témoignent de l’explosion artistique de cette période. Saluons la scénographie, qui rend la visite aussi agréable qu’instructive. Un peu plus loin, les 2 000 m² de la Galerie du Temps constituent en quelque sorte le pari génial et l’une des innovations majeures de cette structure. L’exposition, semi-permanente, (250 œuvres sont visibles durant cinq ans, une partie est renouvelée tous les 6 mois) se présente comme un parcours linéaire. De quoi oublier tout ce que l’on pensait connaître sur les musées – et sur le Louvre en particulier. Ce genre d’endroit, chargé d’histoire et de dorures, de marbre et de sacralité, peut intimider, voire oppresser le visiteur. Ici, l’expérience offre de tourner autour des œuvres ou d’embrasser l’ensemble d’un simple coup d’œil. À nous, ensuite, de traverser cette salle pour parcourir 6 000 ans de création en 120 mètres.
Rampe de lancement
Enfin, et ce n’est pas rien, le second coup de génie du Louvre-Lens réside dans son parti-pris foncièrement pédagogique. Ainsi de ces réserves protégées par de larges baies vitrées. Certaines de ces œuvres, considérées comme mineures, seront sorties lors d’une prochaine exposition. On pense alors à ces artistes qui espéraient sans doute une autre destinée pour leur création. Qu’importe : elles sont toujours mieux ici, qu’au fin fond d’une réserve fermée et inaccessible au public.
Derrière d’autres baies vitrées, travaillent les restaurateurs. Leur observation permet de mieux comprendre leur métier et – qui sait ? – créer des vocations parmi les jeunes Lensois… Quittant l’effervescence du chantier, arpentant les rues désertes, on imagine déjà des cafés remplis aux conversations animées… Raté. Les personnes rencontrées livrent le même constat. Sans critique facile, ni poujadisme : chacun se réjouit de l’arrivée du musée, mais personne ne croit au changement. Selon eux, les touristes visiteront le Louvre-Lens avant de filer à Arras ou Lille. Par manque de distractions (aucun véritable cinéma, par exemple) ou d’infrastructures (seulement deux hôtels pour toute la ville). Surtout, ces riverains se sentent mis à l’écart par la municipalité. EuraLens annonce du changement, dont la construction de plusieurs hôtels supplémentaires mais ici, personne n’en a entendu parler. Problème de communication ? Au fil des conversations, le musée Guggenheim, à Bilbao, ou le Beaubourg de Metz sont évoqués. Les habitants espèrent que leur ville bénéficiera des mêmes effets. On le souhaite aussi. Mieux : on n’en doute pas.
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Pourquoi Lens ?
Hormis Lens, deux autres villes bénéficient de la politique « hors les murs » menée par le Louvre. Depuis 2006, le musée d’Atlanta (Etats-Unis) a accueilli neuf expositions issues des collections de l’institution parisienne. En 2013, un Louvre ouvrira ses portes à Abou Dabi (Emirats Arabes Unis). Polémique : Le Louvre, une marque comme une autre, prête à l’export ? La décentralisation lensoise, elle, semble motivée par de louables intérêts : poser un regard neuf sur les oeuvres et se rapprocher d’un public qui fréquente peu les lieux culturels. Etonnamment, seule la région Nord-Pas de Calais a répondu à l’appel à projets lancé en 2003. Facile d’accès depuis Paris, Bruxelles et Lille, dotée d’un site de 20 hectares, Lens est apparue comme la candidate idéale. Un choix en forme de défi, aussi, dans un bassin minier marqué par le chômage.
Le Louvre Lens en chiffres
0 € : le prix d’entrée pour la Galerie du Temps et du Pavillon de verre, jusque fin 2013
700 000 visiteurs attendus la première année
5 bâtiments
22 médiateurs
6 600 arbres
14 millions d’habitants dans un rayon de 200 km
150 000 000 € coût du projet
88 M€ participation de la région NPDC (59%)
25 % de ressources propres
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Le Louvre-Lens
Inauguration le 4.12.2012 ; Week-end portes ouvertes, 08 et 09.12.2012. Galerie du Temps et Pavillon de verre : entrée gratuite jusque fin 2013. Galerie d’exposition temporaire, 9/8€, gratuit pour les moins de 18 ans, titulaires du RSA, demandeurs d’emploi… ouvert tlj sf mar, 10h>18h, +33 (0)3 21 18 62 62, www.louvrelens.fr
Photos : Kazuyo Sejima + Ryue Nishizawa / SANAA, Tim Culbert +Celia Imrey / IMREY CULBERT, Catherine Mosbach © Iwan Baan