Eat the Night
Odyssée numérique
S’ils font couler beaucoup d’encre, à tort ou à raison, les jeux vidéo sont devenus incontournables dans notre société. Mais jusqu’où ? Et à quel prix ? Dans leur deuxième long-métrage, présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, Caroline Poggi et Jonathan Vinel dressent le portrait d’une génération en perte de repères… et pour qui le virtuel suit ses propres lois.
Pablo et Apolline sont frère et sœur. Elle est une adolescente plutôt introvertie, lui a la vingtaine et vit de petits trafics. Leurs parents absents, ils mènent chacun une existence solitaire. Toutefois, une chose les lie : Darknoon, le jeu vidéo de combat avec lequel ils ont grandi. À la suite d’une violente agression, Pablo rencontre Night et se jette à corps perdu dans une relation passionnelle, où la drogue exalte autant qu’elle détruit, et s’éloigne de sa sœur. Un jour, un message sur l’écran d’”Apo” annonce que le serveur de Darknoon fermera définitivement. Que restera-t-il alors de leur relation ? Le compte à rebours est lancé…
Double niveau
Entre prises de vue réelles et images de synthèse, Eat the Night affiche un parti pris audacieux. Au-delà d’une immersion (très aboutie) dans le jeu, la frontière entre fiction et réalité se brouille peu à peu, pour parfois disparaître. On peut regretter que la métaphore du jeu n’ait pas été plus approfondie, de même certains personnages auraient mérité un meilleur traitement (qu’en est-il de leur père qui refait soudain son apparition ?). Toutefois, ces manques n’enlèvent rien à la réussite de ce film hybride à bien des niveaux. Entre le thriller et le coming-of-age movie (suivant l’évolution des individus de l’enfance à l’âge adulte), l’œuvre dessine le portrait sombre et sensible d’une génération à l’avenir incertain. Entre Pablo, Night et Apolline, les liens se défont parfois violemment… pour mieux se transformer ?
De Caroline Poggi et Jonathan Vinel, avec Théo Cholbi, Erwan Kepoa Falé, Lila Gueneau… En salle.
