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Moi, le glorieux

(Le Tripode)

Persuadé que « la faiblesse mène tout droit aux révolutions », Albert Vandel n’a jamais traité les Algériens comme ses égaux. Mais à l’aube des années 1960, il sait qu’il est trop tard pour l’Algérie française. Alors, le “monstre-colon” de 145 ans et 150 kilos (comme une personnification des ténèbres) se remémore “les grandes heures de la colonisation” depuis sa villa de 54 pièces, où des légionnaires le protègent des attaques de Fellaghas. Cette complainte prend la forme d’un magistral monologue de 300 pages. Là est le coup de maître de Mathieu Belezi : forger une voix à l’horreur, et nous emporter dans ses méandres. L’écrivain installe aussi un rythme, celui de l’urgence face au déclin annoncé. Albert Vandel déverse ainsi sa toute-puissance nauséabonde dans un dernier cri qu’il aimerait éternel. Car tout est démesuré avec ce personnage, qui ressasse ses “faits de gloire” (empire agraire, chasse, humiliations, conquêtes…) et se souvient avec mélancolie, déjà, des inoubliables paysages méditerranéens. Mathieu Belezi sait fichtrement bien les décrire, comme il sait traduire la violence de cette domination insatiable propre à la colonisation, dont il livre une dantesque allégorie.

Florent Servia

336 p., 21 €

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