Séries Mania
Effet miroir
Le scénario de Séries Mania est désormais bien connu, mais toujours aussi haletant. Durant huit jours, Lille se transforme en capitale mondiale du binge-watching. Au programme ? Des avant-premières internationales projetées (chose rare) sur grand écran, des compétitions, des invités prestigieux, des masterclass (données par, entre autres, l’écrivain Douglas Kennedy ou le comédien Laurent Lafitte) mais aussi des soirées déjantées (en l’occurrence disco !) et pas mal de rebondissements– forcément. Voici le prequel.
Les séries ont toujours tendu un miroir au monde… et n’échappent pas non plus à ses soubresauts. La directrice générale du festival, Laurence Herszberg, observe ainsi que « la situation internationale », entre grève hollywoodienne ou embrasement au Proche-Orient « a eu un impact sur la création ». D’ailleurs, « pour la première fois, nous ne présentons pas de séries israéliennes car la production est à l’arrêt ». À l’inverse, cette édition s’ouvre à l’Afrique du Sud, la Lettonie, Taïwan ou la Nouvelle-Zélande, parmi 21 pays représentés. « Il s’agit d’arpenter de nouveaux territoires, de dépasser nos habitudes américaines et européennes pour changer notre vision ». Même si la soirée d’inauguration met à l’honneur une superproduction made in USA… En l’occurrence, l’avant-première mondiale de l’hyper attendue The Three-Body Problem, adaptation du roman de SF culte du Chinois Liu Cixin, par les créateurs de Game of Thrones. Et on nous annonce déjà « une oeuvre graphiquement exceptionnelle ».
Intimes convictions
Au fil des 52 titres retenus pour cette édition, Laurence Herszberg observe aussi un fil conducteur (« peut-être à cause des grandes tensions du monde, justement ») : l’intime. À travers ces histoires, « on se recentre en effet sur ses proches, sa famille, à rebours des grandes thématiques sociétales de ces dernières années ». C’est par exemple Apples Never Fall, relatant l’implosion d’un foyer américain après la disparation inexpliquée d’une mère. Ou encore Ourika, co-créée par Booba, qui met en scène un étudiant contraint de diriger l’empire de la drogue fondée par sa famille, durant les émeutes de 2005. Toujours plus proche de nous, certaines séries s’invitent littéralement dans notre lit, pour ausculter le désir et la sexualité. Où l’on suivra la drôle d’expérience d’un couple à la libido en berne. Dans 30 Days of Lust, des amoureux ensemble depuis l’âge de 15 ans tentent de rallumer la flamme en batifolant chacun de leur côté durant un mois. « Les récits historiques n’échappent pas à cette tendance ». En témoigne Une amitié dangereuse, qui dévoile « les difficultés de Louis XIII à concevoir Louis XIV » – il lui aura fallu un quart de siècle, tout de même…
Échec et mat
L’autre grand sujet de ce cru 2024, c’est l’intelligence artificielle. Parmi les oeuvres ô combien symboliques, citons Rematch, qui retrace la célèbre partie d’échecs opposant Garry Kasparov à Deep Blue, le supercalculateur d’IBM. Soit « le premier duel entre l’Homme et la machine » (spoiler : l’Homme a perdu). Oh, les nostalgiques d’un temps plus analogique se consoleront lors des séances cultes, en se repassant par exemple deux épisodes de Starsky & Hutch, réalisés par un certain Michael Mann. Et il n’est pas impossible que vous croisiez une Ford Gran Torino rouge aux bandes blanches dans les rues de Lille – en vrai, cette fois !
L’Envers du décor
Après l’art du générique l’an passé (souvenez-vous Don’t Skip), cette nouvelle exposition nous dévoile les métiers cachés des séries. Comment créer un faux cadavre réaliste ? Des blessures plus vraies que nature ? Des dents de monstre aussi effrayantes qu’acérées ? Outre les accessoires, costumes et autres secrets de fabrication, on apprendra par exemple à parler le dothraki, comme dans Game of Thrones, avec les créateurs de langue David et Jessie Peterson. Et puis on s’assoira à table avec Janice Poon, styliste culinaire pour Hannibal et Star Trek : Discovery. Cette spécialiste de la jambe comestible réussit également comme personne la salade de globes oculaires. Alléchant, n’est-ce pas ?
>> Lille, 16 > 22.03, Tripostal