Daaaaaalí !
Décalage immédiat
Absurde ? Décalé ? Bizarre ? On s’est longtemps gratté la tête pour poser la juste épithète sur le cinéma de Quentin Dupieux. Et s’il était, tout simplement, “surréaliste”, au sens le plus littéral du terme ? Dans son premier (anti)biopic, le réalisateur de Yannick (entre autres) nous invite à renouer avec l’extravagance de, non pas un, mais six Salvador Dalí ! Bienvenue au pays des rêves.
La moustache en croc, les yeux exorbités, l’attitude extravagante… Pas de doute, Dalí est de retour ! Avec cette particularité : il est ici incarné par six acteurs (d’où les six “a” du titre), histoire de dessiner un portrait complet du personnage. On découvre alors le peintre catalan dans tous ses états, dispersé façon puzzle : artiste-diva lorsqu’il est interprété par Gilles Lellouche, créateur de génie avec Pio Marmaï, terriblement orgueilleux sous les traits de Jonathan Cohen ou encore en volubile excentrique (évidemment) avec Edouard Baer. Dans tous les cas, il reste cet homme à l’ego sur-dimensionné et amoureux des projecteurs. Cela tombe bien, il fait justement l’objet du documentaire de notre héroïne, Judith, journaliste novice contrôlant difficilement son sujet. Car l’imaginaire de l’Espagnol semble contaminer l’environnement…
Anti-biopic
Avec Quentin Dupieux aux commandes, on se doutait bien qu’il ne s’agirait pas là d’un biopic conventionnel. À rebours des productions du genre, il focalise davantage sur la dimension surréaliste que sur la vie de l’artiste. En témoigne cette scène inaugurale dans laquelle Dalí, au bout d’un couloir, marche en direction de Judith, mais donne l’impression de faire du surplace. Ce qui laisse à la journaliste le temps d’aller aux toilettes, de commander de l’eau pétillante… Ajoutons à cela l’intervention très “dalinienne” d’éléments incongrus au fil du récit, comme cette pluie de chiens morts en plein milieu d’un appel téléphonique.
Inquiétante étrangeté
Durant cette heure et 17 petites minutes que dure le long-métrage (court, comme toujours chez Dupieux), on découvrira même le secret de fabrication de certaines œuvres du maître, telle La Harpe invisible, fine et moyenne (1932), figurant ce personnage avec une énorme protubérance soutenue par une béquille, à l’arrière de la tête. Sauf que la toile est peinte à partir… d’un modèle bien réel et au crâne monstrueux. Daaaaaalí ! s’inscrit ainsi dans la droite ligne du mouvement théorisé par André Breton (qui célèbre d’ailleurs son centenaire cette année). Le film a en effet le chic pour télescoper des éléments n’ayant aucun rapport entre eux. Surtout, il témoigne d’une inventivité et d’une poésie devenues rares, nous plongeant dans cette “inquiétante étrangeté” si chère aux surréalistes… et finalement propre au cinéma de Quentin Dupieux.
De Quentin Dupieux, avec Jonathan Cohen, Anaïs Demoustier, Gilles Lellouche, Edouard Baer, Pio Marmaï… Sortie le 07.02