Audimat Maxi
Passage en revue
En 2012 paraissait le premier numéro d’Audimat, où se croisaient Adorno, Drexciya et le thrash metal. Fondée par Étienne Menu et Guillaume Heuguet, la revue s’imposait comme un objet étrange, sans véritable équivalent. Or, elle conviait moins des musicologues et sociologues que des amateurs (éclairés, tout de même). Au fil des vingt numéros, on y lut des textes sur à peu près tous les styles, écoles et sous-genres. Des lignes propices à la réflexion et aux débats. En voici publié un best-of : Audimat Maxi.
Audimat, c’est plus qu’une revue. Parallèlement à cette parution biannuelle, l’équipe de rédaction s’est en effet essayée à la vidéo, via Musique Info Service, émission hélas disparue mais dont les productions sont toujours disponibles sur Dailymotion. En 2020, c’est aussi devenu une maison d’édition qui a traduit quelques grandes plumes, dont Simon Reynolds (Le Choc du glam, Hardcore), le théoricien marxiste Mark Fisher (Désirs postcapitalistes) ou l’ex-Throbbing Gristle Cosey Fanni Tutti (Art Sexe Musique). Bref, faisant feu de tout bois et présent sur à peu près tous les fronts, Audimat demeure, pour le dire en deux mots, une chose sérieuse réalisée par des gens affichant une véritable modestie. « Je respecte les experts, en musique ou ailleurs, mais personnellement je me considère plutôt comme un dilettante, confiait Étienne Menu au site Section 26, en 2019. J’écoute beaucoup de trucs différents, mais je dirais que je ne connais aucun domaine à fond ».
Ce qui n’empêche pas l’intéressé de livrer son avis avec une passion contagieuse. On se souvient d’un article sur le collectif hip-hop Time Bomb… hélas absent de la rétrospective qui nous occupe ici. Plutôt conséquente, la rétro. Jugez plutôt : 733 pages, 28 textes se penchant sur la UK funky, le gangsta rap, le grime, le punk, le drone, la house, la pop italienne des 70’s ou encore… une histoire de la caisse claire. On peut le butiner ou le lire dans l’ordre, afin de ne rien rater.
Poil à gratter
Évidemment, certains articles sont plus réussis que d’autres. Certains peuvent sembler désuets (comme l’état des lieux du gangsta rap en 2016) tandis que les réflexions d’Agnès Gayraud sur le français en musique demeurent toujours d’actualité. On se délecte aussi, comme d’habitude, de la plume de Lelo Jimmy Batista, dont l’autofiction prend prétexte du thrash metal pour servir une éloge de l’année 1988 en musique.
On pourrait longtemps poursuivre le catalogue, mentionner les précités Fisher et Reynolds, mais le plus important reste l’esprit “poil à gratter” de l’affaire. Ainsi de cette contre-histoire de la house, qui replace Chicago au centre des débats et questionne la réception du genre face à la techno de Detroit – pour le dire très vite. Ce genre de questions (ainsi que les rapports entre musique et technique, la nostalgie, le féminisme) sont quelques-uns des thèmes qui traversent régulièrement la revue. Mais à qui s’adresse ce florilège, au juste ? À tout le monde, ou quiconque s’intéresse un tant soit peu à la musique et à ce qui l’entoure, par-delà les mythes rabattus et les légendes rabâchées. À tout amateur désirant être un peu plus éclairé, en somme.
Audimat Maxi (Audimat Éditions), 734 p., 30€, audimat-editions.fr