Les Feuilles mortes
Coeurs fidèles
Il y a des prolétaires qui picolent, des amoureux malchanceux, des chiens au regard tendre. Puis Helsinki la nuit, ses tramways qui filent et ses bars à juke-box. Avec Les Feuilles mortes, Aki Kaurismäki continue de creuser son sillon, quelque part entre Ozu et Chaplin. Rien de neuf, et pourtant quelle force !
La viande défile sur le tapis roulant. Des tas et des tas de bidoche sous cellophane, qui suffiraient à dire le dégoût du monde et de ce qu’il fait du vivant. Les Feuilles mortes s’ouvre ainsi, par un gag grinçant. Ansa travaille dans un supermarché, sous l’oeil suspicieux du vigile. Bientôt virée pour avoir pris quelques produits avariés, elle croise le chemin de Holappa. Ouvrier porté sur la bouteille, celui-ci a le même air enfantin et triste que James Stewart. Leur amour, évident, nécessaire, empruntera ces chemins de hasard, sur un fil entre le mélodrame et la comédie.
Beauté intérieure
Les Feuilles mortes révèle une certaine mélancolie, mais la tient à bonne distance. D’abord, en affrontant le présent dans ce qu’il a de plus terrible : la précarisation des travailleurs et la guerre en Ukraine, toute proche, qui hante le quotidien à travers les informations radiophoniques. Ensuite en s’attachant à l’irréductible dignité des prolétaires. La violence sociale n’empêche pas la droiture et l’élégance. C’est ce que le cinéma de Kaurismäki souligne admirablement. Les intérieurs soignés de ses personnages ne recherchent pas l’effet vintage, ils sont le lieu d’une affirmation de soi, de la valeur de sa propre existence. Tout comme les cheveux bien peignés et les pudiques élans de solidarité. Et cela continue d’émouvoir.
D’ Aki Kaurismäki, avec Alma Pöysti, Jussi Vatanen, Janne Hyytiäinen… Sortie le 20.09