Déserts
Grains de folie
Présenté à la Quinzaine des cinéastes lors du dernier Festival de Cannes, Déserts dessine le portrait d’un Maroc désossé par la prédation capitaliste. La violence du constat n’empêche pas l’humour, et Faouzi Bensaïdi s’affirme, avec Elia Suleiman ou Aki Kaurismäki, comme un maître burlesque contemporain.
Doucement soulevée par le vent, la carte ondule. Soudain emportée, elle flotte et roule dans un paysage de pierres. Littéralement déroutés, Mehdi et Hamid n’en essaient pas moins d’accomplir leur besogne. Employés d’une importante société de recouvrement installée à Casablanca, ils sillonnent les régions montagneuses du Maroc dans le but de soutirer quelques traites. Donnant au film son air de road movie, la démarche offre surtout l’occasion de dresser un état des lieux du pays. Contracté en raison d’un mariage, d’une facture de médecin ou d’un passage de l’autre côté de la Méditerranée, chaque crédit est l’indice d’un espoir autant que d’une défaillance sociale. Pour peindre ce tableau, Déserts ne refuse pas la satire. Son registre est toutefois un burlesque lent, porté par un remarquable duo d’acteurs. OEil sombre et mèches tombantes, Abdelhadi Talbi donne corps à une nervosité impuissante, tandis que Fehd Benchemsi se distingue par sa placidité et ses bonnes manières. La mise en scène de Faouzi Bensaïdi hérite de Jacques Tati, jouant des ruses de l’espace pour créer des gags savoureux, parfois teintés de mélancolie. Célébrant les noces de la poussière et du soleil, l’oeuvre fait du désert une étendue sublime hors de l’emprise du pouvoir.
De Faouzi Bensaïdi, avec Fehd Benchemsi, Abdelhadi Talbi, Rabii Benjhaile… Sortie le 20.09