Emma Peters
À fleur de peau
Emma Peters a connu un succès fulgurant sur le web grâce à des reprises acoustiques de titres de variété française mais surtout de rap. Plus que Doudou d’Aya Nakamura et Angela de Hatik, c’est son interprétation de Clandestina, de Lartiste, qui la propulse sur le devant de la scène. Aujourd’hui, la Lilloise ne se cache plus derrière les paroles des autres. Elle défend un premier album (Dimanche) balayant un large spectre d’émotions. Soit quatorze chansons où la douceur de la pop et de la bossa se frotte à des textes intimes et directs. Rencontre.
Quel est votre parcours ? Je suis née dans une famille de mélomanes. On écoutait beaucoup de musique avec mes parents et on chantait à la maison les dimanches. Naturellement, j’ai commencé la guitare à 13 ans, juste quelques accords pour m’accompagner. Puis, avec le temps, mon entourage m’a conseillé de poster mes productions sur les réseaux sociaux.
Était-ce une façon de vous lancer ? Plutôt une manière de s’amuser. Vers 17 ou 18 ans, j’ai publié mes premières vidéos sur YouTube. Petit à petit, j’ai créé un rendez-vous avec mes abonnés. Mes reprises du dimanche soir étaient principalement des covers de rap français, parce que j’adore ça ! Malgré un nombre croissant de vues, je ne pensais pas que cela mènerait quelque part.
Comment choisissiez-vous ces reprises ? En écoutant un morceau, je savais instantanément si je pouvais y apporter quelque chose. Et puis, je retenais des textes de rap formidables pour répondre aux critiques faciles sur cette musique. Certains accueillent mieux la voix d’une petite blonde avec une guitare classique que celle d’un grand mec tatoué ! J’étais très heureuse de relayer cette culture, notamment vers ma famille, très traditionnelle, qui avait beaucoup de préjugés. Aujourd’hui, le meilleur compliment qu’on puisse me faire c’est : “J’ai découvert ce texte ou ce rappeur grâce à toi”.
Pouvez-vous d’ailleurs revenir sur la reprise de Clandestina de Lartiste ? C’est une chanson qu’on écoutait en Tunisie avec des amis. En rentrant, je leur ai envoyé une interprétation vocale et un peu nostalgique sur Messenger. Suite à leur retour enthousiaste, je l’ai enregistrée plus proprement pour la diffuser sur ma chaîne YouTube. Trois ans plus tard, j’ai reçu un remix un peu dance d’un DJ russe, Edmofo. Il ne comprenait pas un mot, mais a adoré cette chanson ! On a sorti ce morceau sur les plateformes pour rigoler, et aujourd’hui il compte plus de 50 millions de streams sur Spotify. Il a permis de faire voyager mon nom.
Ensuite, comment avez-vous envisagé vos propres compositions ? J’ai longtemps cru que je n’étais pas capable d’écrire des chansons. Ce n’est pas rien d’assumer ses propres textes. Je me suis cachée derrière les mots des autres pendant très longtemps et ça m’arrangeait bien. Ça a donc été un long processus. La première chanson que j’ai écrite s’intitule Je mens, je l’ai sortie pendant le confinement puis d’autres ont suivi, c’est une grande fierté.
Comment présenteriez-vous votre premier album, Dimanche, sorti en mars dernier ? Il est traversé de tous les styles musicaux écoutés à la maison, dont beaucoup de variété française. C’est donc un album très chanté. Je suis aussi sensible aux mélodies. Mes années de guitare classique apportent une patte bossa nova et jazz. Et puis, mon amour du rap a façonné mon franc-parler et une certaine crudité.
Quels sont vos sujets de prédilection ? Il est beaucoup question d’amour. Je suis tombée amoureuse pour la première fois au moment d’écrire cet album. J’observe aussi notre société, car ces chansons ont été écrites en partie durant le confinement. Avoir 20 ans et être enfermée, ça amène son lot de remises en question… Par exemple, je suis très engagée dans la cause féministe.
Quel est votre rapport à la scène ? Comme j’ai surgi sur les réseaux sociaux en plein confinement, c’est la dernière facette du métier que j’ai découverte. J’étais terrifiée à l’idée de monter sur scène. J’étais déjà angoissée pendant mes exposés à l’école… Mais aujourd’hui ça va mieux et j’ai la chance d’avoir un public bienveillant.