Yann Tiersen
La possibilité d’une île
L’histoire de la musique est une suite de malentendus. Combien d’artistes a-t-on redécouverts, et réévalués ? Combien d’oeuvres ont été réhabilitées contre l’avis de la critique de l’époque, voire contre l’avis même de leur auteur ? En ce qui concerne Yann Tiersen, l’histoire est encore plus compliquée. Retour sur un quiproquo.
Au mitan des années 1990, le natif de Brest s’ennuie à Rennes. Notre jeune punk reprend son violon (il avait brisé le précédent, de colère, à treize ans) et, suivant le bon vieux précepte “Do it yourself”, compose inlassablement. Sur ces étagères ? Tuxedomoon, Einstürzende Neubauten, Faust… Nourri à l’indus, au rock minimaliste, au krautrock, il publie trois albums dont émergent des valses jouées à l’accordéon, au piano-jouet, où s’immiscent aussi des machines à écrire et des pédaliers. Tout cela renvoie à l’enfance. Tiersen trouve son travail assez sombre. Mais plus tard, associées aux images sépia d’Amélie Poulain, ces ritournelles décollent. Malentendu. Face au nuage de chloroforme et de bons sentiments, Tiersen s’enfuit sur l’île d’Ouessant. Il y apprend la langue bretonne et retape une vieille boîte de nuit pour la transformer en studio et salle de concerts (l’Eskal). Il opte pour des compositions plus abrasives et noisy, un krautrock inspiré (au sein du trio ESB). Bref, sur scène, ne vous attendez plus à des mignonneries, mais à un concert de musique contemporaine, au sens premier du terme : de son temps. En rythme avec les envies de son auteur.