Home Best of Interview Charlotte Adigéry & Bolis Pupul

Extension du domaine de la fête

© Camille Vivier

Après une poignée de morceaux emballants (High Lights, Cursed and Cussed), Charlotte Adigéry et Boris Zeebroek (aka Bolis Pupul) dopent le printemps avec leur premier album. En compagnie des frères Dewaele (Soulwax), les Gantois parachèvent un euphorisant mélange de house et musiques caribéennes ! Coup de maître, Topical Dancer a le chic d’aborder des sujets graves sans jamais se prendre au sérieux, mais secoue invariablement le dancefloor. Entretien avec le duo belge le plus excitant du moment. 

Quelle est l’histoire de votre duo ?

Charlotte : On s’est rencontrés à Gand durant le tournage du film Belgica de Felix van Groeningen. Soulwax assurait la bande originale et avait créé des groupes fictifs desquels nous faisions partie. Après l’enregistrement de ces morceaux, Stephen et David Dewaele m’ont invitée dans leur studio, mais j’étais trop intimidée. Ils l’ont ressenti et m’ont alors proposé de travailler avec Boris. Après quatre ou cinq jours on avait déjà un EP !

Comment définiriez-vous votre musique ? Peut-on parler de “dance music métissée” ?

Charlotte : Exactement ! Notre son est très éclectique, convoquant un peu tous les genres. On est comme des éponges, absorbant tout ce qui passe.

Quelle est l’influence des frères Dewaele sur votre musique ?

Bolis : Stephen et David assurent le mixage des morceaux pour maintenir une cohérence. Ils nous donnent aussi beaucoup de conseils en studio. Je dirais qu’ils sont comme des chiropracteurs musicaux, car lorsqu’on est bloqués ils ont toujours une solution !

Quelles seraient vos influences ? Charlotte, il me semble que vous aimez beaucoup Chassol…
Charlotte : Oui. Un ami qui travaille à l’Ancienne Belgique m’avait envoyé une vidéo d’un de ses concerts. J’étais fascinée, c’est la première fois que je voyais un artiste martiniquais créer un tel métissage entre electro, jazz et musiques traditionnelles.

Bolis : Moi, c’est grâce à Beck que j’ai mangé le micro ! Je l’ai vu en concert en Belgique lors de la tournée d’Odelay et j’ai pété les plombs ! C’est vraiment l’artiste qui m’a poussé à exercer ce métier.

Il y a autre chose qui caractérise vos morceaux : l’humour…

Charlotte : Oui, c’est très important. Cela nous permet d’évoquer des sujets sensibles comme le racisme, la misogynie, le post-colonialisme, sans rien revendiquer. On n’est pas moralisateurs, on ne se prend pas au sérieux. C’est notre façon de digérer des choses douloureuses en se moquant de la connerie humaine.

Oui, dans le titre Blenda vous chantez par exemple « Retourne dans le pays auquel tu appartiens / Dis Siri, tu sais d’où je viens ? »

Charlotte : Ce sont des choses qu’on a vécues ou entendues, et pas juste une fois… « D’où viens-tu ? » Eh bien nous sommes autant belges que chinois !

Bolis : En réalité, elle vient de Vénus et mois de Mars ! Blague à part, quand on joue en live on voit dans le public des gens issus de toutes les cultures qui se reconnaissent dans notre musique. Nos différences nous rassemblent.

La house a toujours été une musique de revendication, on peut parler du Paradise Garage par exemple. Vous inscrivez-vous dans cette filiation ?

Charlotte : Oui, beaucoup de gens ignorent que la house est d’abord une musique de noirs, et plus largement de minorités.

Comment votre musique a-t-elle évolué depuis Senegal Seduction ?

Bolis : On a commencé à travailler ensemble sans but précis. Il s’agissait d’abord de s’amuser. Puis, petit à petit, on a approfondi les choses. Pour cet album on a affiné notre discours, car on est simplement plus matures.

Comment Topical Dancer est-il né ?

Bolis : On avait déjà écrit deux ou trois morceaux avant la crise sanitaire. Puis Stephen et David nous ont conseillé de sortir un disque. On a alors réuni nos chansons dans un album concept. C’est un instantané de notre vision du monde dans les années 2020, traversé par les questions de sexisme, de xénophobie, d’appropriation culturelle…

Vous évoquez aussi les réseaux sociaux, n’est-ce pas ?

Charlotte : Oui, c’est une évolution tellement puissante. Je pense que les gens ne savent pas encore bien utiliser ce média. Ils en abusent parfois jusqu’à devenir dangereux sous couvert d’anonymat. Cet outil polarise aussi les débats… c’est tout cela que l’on interroge.

Comme le titre Thank You, où vous remerciez assez ironiquement ceux qui jugeaient votre musique sur les réseaux…

Charlotte : Oui, c’est le drame de l’époque : tout le monde a une opinion bien tranchée, et croit qu’il faut absolument la partager !

Que pourra-t-on voir et écouter lors de cette tournée ?

Charlotte : Il y aura un éléphant sur scène, et Boris arrive sur le dos d’un tigre ! Plus sérieusement, on commence à avoir pas mal de morceaux sous le coude, il y a de quoi choisir. Ce sera donc un mix entre toutes nos chansons.

Enfin, Boris, d’où vient ce surnom, “Bolis Pupul” ?

Bolis : Pour mon premier EP avec Deewee, Stephen m’avait demandé, vers minuit, de trouver rapidement un surnom, soit trois heures avant la deadline ! Je me suis alors souvenu que ma grand-mère m’appelait “Bolis”, et mon père “Pupul “, je ne sais pas pourquoi, sans doute parce que ça sonnait bien. Donc j’ai assemblé les deux !

Propos recueillis par Julien Damien / Photo : © Camille Vivier
Concert(s)
Charlotte Adigéry & Bolis Pupul
Bruxelles, Ancienne Belgique

Site internet : www.abconcerts.be

20.04.2022 à 19h0024/25€

À écouter / Topical Dancer (Deewee / Because Music) 

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