Reda Kateb & Thomas Kruithof
Au nom du maire
Avec Les Promesses Thomas Kruithof signe un thriller perçant les arcanes de la politique nationale et locale. Incarnée par Isabelle Huppert, Clémence est maire d’une grande ville de banlieue parisienne. Accompagnée par Yazid (Reda Kateb), son directeur de cabinet, elle tente par tous les moyens d’obtenir une subvention pour rénover la Cité délabrée des Bernardins, minée par les “marchands de sommeils”. Tout se complique lorsqu’on lui offre un poste de ministre… L’intérêt public l’emportera-t-il sur l’ambition personnelle ? Les promesses seront-elles tenues ? Rencontre avec l’acteur césarisé Reda Kateb et Thomas Kruithof, réalisateur inspiré.
Comment avez-vous écrit le scénario ?
Thomas Kruithof : Nous souhaitions réaliser un film sur la politique locale, saisir l’énergie qui s’en dégage. Il s’agissait aussi de rappeler la place du maire sur l’échiquier politique, le rapport permanent qu’il entretient avec les citoyens, car il est en première ligne. Avec Jean Baptiste Delafon, mon co-auteur, on met ici en exergue la question du logement, un sujet complexe mais fondamental dans notre société. Sur le plan cinématographique, j’ai été inspiré par cette notion de combat, d’engagement et de courage.
Avez-vous rencontré des acteurs politiques pour préparer ce film ?
Thomas Kruithof : On a travaillé avec Olivier Klein, le maire de Clichy-sous-Bois, lieu du tournage. Puis avec Philippe Rio, maire de Grigny, Catherine Arenou à la tête de Chanteloup-les-Vignes et toute une batterie d’élus et de directeurs de cabinet. On a aussi consulté longuement le milieu associatif concerné par la question du logement pour comprendre le phénomène des marchands de sommeil.
Pourquoi avoir choisi Isabelle Huppert et Reda Kateb ?
Thomas Kruithof : Avant même de composer les personnages, nous avions imaginé ce duo. Isabelle possède une autorité naturelle, le propre des grandes dames. De son côté, Reda est aussi très charismatique, on lui devine un riche vécu.
On remarque ici l’importance accordée aux dialogues…
Thomas Kruithof : Oui, car la politique c’est l’art de la parole, pour mieux convaincre. Alors, on a peaufiné les discours et les arguments. En même temps, je ne voulais pas que le film se transforme en concours d’éloquence. Ce qui m’intéressait, c’était la variété de décors, jouer avec ces grands contrastes, passer de l’Élysée à une cage d’escalier délabrée.
Reda, qu’est-ce qui vous a séduit dans ce scénario ?
Reda Kateb : J’avais beaucoup aimé le premier film de Thomas, La Mécanique de l’ombre. J’avais donc une idée de la forme qu’il donnerait à ce thriller politique. Et puis, je n’avais jamais endossé ce type de rôle, dans une ambiance où les mots constituent les armes du personnage. Enfin, la présence d’Isabelle Huppert m’a aussi motivé, c’est une actrice que j’estime énormément.
Comment présenteriez-vous votre personnage, Yazid ?
Reda Kateb : Il est directeur de cabinet de la maire et issu du quartier populaire dont il est question dans le film. Il souhaite sortir de là, il en a marre de manger des kebabs et préférerait des courgettes bio à Paris. Il est brillant, travaille beaucoup. Mais avant de quitter sa ville il veut aller au bout de sa mission. Certes pour servir sa propre ambition mais aussi ces gens défavorisés auxquels il est viscéralement attaché. Ça pourrait être un futur grand homme politique.
Comment avez-vous préparé ce rôle ? Vous êtes-vous inspiré de personnage réel ?
Reda Kateb : Thomas m’a présenté plusieurs personnalités, sans les imiter j’ai effectué une espèce de fusion, empruntant chez l’un et l’autre. Par exemple, j’ai eu l’occasion de rencontrer un directeur de cabinet, de faire le tour de son planning et de comprendre le quotidien de Yazid.
Comment avez-vous travaillé avec Isabelle Hubert ?
Reda Kateb : C’était très stimulant car j’avais le sentiment qu’on avait deux manières d’appréhender ce métier. Par exemple, au fil des prises, j’ai systématiquement besoin de changer un petit détail. Isabelle affine au contraire son jeu à chaque prise, de manière millimétrée. Elle acceptait mes petites variations, ça l’amusait, on prenait beaucoup de plaisir, on a chacun fait un pas vers l’autre.
Tout comme Yazid, vous avez grandi en banlieue parisienne. Incarner ce rôle représente-t-il une forme d’engagement ?
Reda Kateb : Sans doute, mais je ne me proclame pas artiste engagé. On aborde souvent les quartiers par le prisme de la délinquance, de la police et quantités d’autres problèmes… Ici, il n’y a pas un seul flic à l’horizon. Je n’ai pas habité dans des cités aussi dégradées, mais si j’étais un habitant du Chêne Pointu (le lieu du tournage, ndlr), je ne me sentirais pas trahi par un film comme celui-ci.
Les Promesses, de Thomas Kruithof, avec Isabelle Huppert, Reda Kateb, Soufiane Guerrab, Jean Paul Bordes… En salle