Les éternelles
Boule qui roule
Au même titre que la baguette, le coq au vin ou la mauvaise humeur, la boule à neige reste une star du patrimoine français – et bien au-delà. De Lille à New York, de Jésus à Dark Vador, toutes les villes ou personnages que compte notre histoire se sont retrouvés (ou se retrouveront) un jour sous ce petit globe où les flocons sont éternels – pour peu qu’on ait le bon coup de poignet. Dans l’Ain, JLK France demeure l’une des deux dernières entreprises hexagonales à fabriquer ce fétiche de la culture populaire.
Du verrier courtisant sa bien-aimée aux voyageurs soucieux de figer leurs souvenirs, les légendes autour de sa naissance sont aussi nombreuses que poétiques, mais l’histoire retiendra surtout une date. Comme un symbole, la boule à neige aurait fait son apparition en 1878 lors de l’exposition univer- selle de Paris. Œuvre d’un certain Pierre Boirre, le globe abritait alors un petit bonhomme sous un parapluie – et servait de presse-papier. Depuis, cette passion ne s’est jamais démentie. Son charme agit comme une madeleine de Proust. Un peu kitsch dites-vous ? Mylène Richard, elle, préfère parler de « magie ». Si 95 % de la production mondiale provient aujourd’hui d’Asie, deux entreprises françaises font toujours figure d’irréductibles, et sont toutes les deux situées dans l’Ain, place forte de la plasturgie nationale voire européenne : la société Bruot à Arbent, et JLK France à Meillonnas, dont notre interlocutrice demeure la responsable commerciale.
Sphère privée
Fondée il y a trois décennies, cette société familiale produit en moyenne 100 000 boules par an, sous la marque Les Éternelles, principalement vendues dans l’Hexagone. Avec cette particularité : ici la conception reste artisanale, mais sait user d’une technologie de pointe – presse à injection, imprimante 3D… La dizaine de pièces constituant l’objet est assemblée par seulement deux personnes : du socle au dôme en plastique « haut de gamme, offrant une qualité de transparence supérieure au verre », en passant par l’ajout de liquide, de paillettes, de figurines ou de la colle, « fabriquée maison ».
Monuments, paysages, sites touristiques, personnages célèbres… Les grands classiques sont toujours de la partie, et tout est bon pour être “enflaconné”. Le petit plus ? Les boules sont personnalisées. « Vous pouvez nous envoyer vos plans, croquis ou photos, et grâce à notre bureau d’études nous pouvons créer des pièces sur-mesure et raconter votre histoire, assure Mylène Richard. À partir de là, tout est envisageable. La seule limite, c’est l’imagination ».
L’entrée des artistes
La boule neigeuse a donc bien changé en 150 ans, et cette approche « à la demande » séduit les particuliers, les boutiques de souvenirs bien sûr, mais aussi les agences de publicité… et les artistes. JLK France compte ainsi quelques clients prestigieux comme Étienne Daho, qui a sollicité la société aindinoise pour le clip de la chanson Les Flocons de l’été (2017).
Citons aussi Jean Paul Gaultier, dont le portrait signé Pierre et Gilles brille sous une pluie de confettis, ou encore Hervé Di Rosa et le trublion Ben, qui ont dévoilé leurs œuvres originales (montées par JLK France) à Bayeux en 2013 lors d’une exposition fondatrice : La Boule à Neige. Immersion dans l’art contemporain. En octobre dernier, notre petit gadget est même entré au théâtre, à la faveur d’un spectacle concocté par l’historien Patrick Boucheron et le metteur en scène Mohamed El Khatib. Des années qu’on vous le serine : le kitsch, c’est chic !