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Séjour au purgatoire

© Peter Zeitlinger

Inséparables depuis une bonne décennie, Abel Ferrara et Willem Dafoe offrent avec Tommaso une nouvelle variation autour de la figure de l’artiste. Loin du roublard et fantasque Ray Ruby de Go Go Tales (2007), ils se confrontent à un vertige inattendu : celui d’être en vie après avoir cédé à tous les excès.

Avec Snake Eyes (1993) et The Blackout (1997), Abel Ferrara avait renouvelé la mythologie romantique de l’artiste, à la fois ange et paria. Dans 4 h 44 Dernier jour sur terre (2011), les affres de la création se confondaient avec les élans désespérés de la chair et l’angoisse de la fin du monde. A chaque fois, le manque côtoyait l’excès, ouvrant l’abîme de l’autodestruction. Largement autobiographique, ce nouveau long-métrage se donne au contraire comme une recherche obstinée de l’équilibre. Cinéaste américain installé à Rome avec sa compagne et leur bébé, Tommaso (Willem Dafoe) écrit le scénario de son prochain film. Il apprend l’italien, achète des légumes, se promène au parc avec son enfant et pratique le yoga. Mais peu à peu, il est rattrapé par sa jalousie maladive. Réalité et affabulation se confondent…

Rester vivant
La succession de scènes quotidiennes engendre d’abord une étrange monotonie, à la fois joyeuse et inquiète. Au fond, la création importe moins ici que le “métier de vivre”, et nul mieux que Ferrara sait la discipline d’une existence ordinaire. Le film, pour autant, ne s’arrête pas au seuil de l’appartement familial. Par bouffées, visions, cris, le monde continue de cogner à la porte, tandis que le cinéaste lui-même laisse filtrer ses tourments. Le confort n’a pas triomphé du mal, l’artiste n’a pas renoncé à l’exigence de vérité. Tommaso apparaît alors moins comme un film assagi qu’une variation d’une poignante nudité.

Raphaël Nieuwjaer

D’Abel Ferrara, avec Willem Dafoe, Cristina Chiriac, Anna Ferrara… Sortie le 08.01

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