L’Aéronef a 30 ans
L'âge de (dé)raison
Quelle idée saugrenue. En septembre 1989, une bande d’acharnés inaugurait une salle de concert, rue Colson à Lille, la débrouille et la passion en bandoulière – rock’n’roll, quoi. Alain Bashung, immortel parrain, essuya les plâtres avant que Motörhead, The Residents ou NTM (entre autres) ne fassent trembler les murs… et ceux des voisins. L’Aéronef dut alors se poser à Euralille, en 1995. Trente ans plus tard, elle demeure l’une des scènes les plus réputées de France, a passé le cap des 100 000 spectateurs et 180 dates par saison. Mais l’esprit des débuts est resté le même : exigeant, (forcément) perché et pourvoyeur de “spectacles sans gravité”. Benoît Olla, le directeur, revient sur une belle histoire et nous attend pour moult fêtes d’anniversaire.
Comment l’aventure a-t-elle démarré ? En septembre 1989, à l’initiative de militants et à la force du poignet. Jean-Pascal Reux, Nicolas Robichez et Emmanuel Vinchon en furent les trois chevilles ouvrières. à l’époque, la façon dont on vivait la musique était très différente, plus “underground”, rock’n’roll. Il n’y avait pas cette structuration autour de labels, d’institutionnalisation du secteur. L’Aéronef était alors situé rue Colson à Lille, dans une petite salle au charme indéniable, avec du bois, de belles colonnes, façon théâtre à l’ancienne.
Quelle sont vos missions ? C’est l’une des cinq plus grandes SMAC de France, pour “Scène de musiques actuelles”, un label octroyé par le ministère de la Culture et nous fixant un cahier des charges précis. Nous avons trois missions. L’accueil de concerts, l’aide à la création ou accompagnement des artistes (des groupes régionaux émergents aux références internationales). Enfin, la troisième concerne le rapport aux publics et aux territoires. Il s’agit de briser les barrières, d’aider à passer le seuil d’une salle de spectacles.
Quelle est la particularité de cette salle, aujourd’hui ? Elle a sans doute moins de charme qu’auparavant. C’est un paquebot de béton et de métal situé en hauteur et dans un vaste centre commercial… Mais on compose avec ces contraintes, mettant l’accent sur la chaleur humaine pour que L’Aéronef ne soit pas un simple lieu de passage, mais de découvertes et d’échanges. La façon d’apprécier la musique a tellement évolué, aujourd’hui on l’écoute sur Youtube. Du coup, une salle de concerts doit proposer autre chose. A l’époque de la rue Colson, au-delà des concerts, on voyait pas mal de truc barrés à L’Aéronef. On essaie donc d’entretenir cet esprit-là, humblement.
Comment ? En faisant un pas de côté : grâce à une exposition, la projection d’un film ou en déroulant des fils rouges au long de la saison. Par exemple en focalisant sur une ville dynamique comme Manchester. On organise aussi des soirées un peu dingues avec du catch, où la scène se transforme en ring, avec des “lives” entre les combats… Bref, l’Aéronef, ce n’est pas que des concerts. Il est situé dans un centre commercial, mais ce n’est pas un temple de la consommation culturelle !
Gardez-vous un souvenir particulier ? Lou Reed en 2012, pour l’un de ses derniers shows. Il n’avait pas exactement une réputation de boute-en-train et était déjà très diminué. Au début j’ai eu un peu peur, ça ne sonnait pas très juste, puis la soirée a décollé. On voyait qu’il était heureux d’être là. D’ailleurs, il nous a offert un rappel imprévu, deux personnes l’ont aidé à marcher sur scène… c’était un grand moment de générosité.
Quelles seraient vos plus belles rencontres ? Jeanne Added, d’abord en “formule club”, avant d’exploser. Nous l’avons accueillie au tout début en résidence et désormais elle remplit la grande salle. On a aussi vécu de sacrés moments avec Jules-Edouard Moustic. A l’opposé de son personnage de punk grolandais, c’est une putain d’oreille, avec des goûts musicaux très larges. En plus, il est très humain, hyper-accessible. D’ailleurs, il reviendra mixer pour notre anniversaire.
Comment allez-vous célébrer ces 30 ans ? On aurait pu créer un gros évènement, avec des noms qui claquent… Mais cela aurait été trop réducteur, ne reflétant pas les nombreuses facettes du lieu. Tout au long de la saison, on multipliera les clins d’œil à notre histoire. Par exemple ? Le 30 novembre, on organise une soirée hommage à notre parrain, Alain Bashung, notamment avec l’orchestre symphonique Lalo et des étudiants de l’E.S.M.D * de Lille. Il y aura aussi des “guests” qui ont travaillé avec Alain, comme Edith Fambuena (réalisatrice de l’album posthume En amont) et puis au chant Chloé Mons, sa dernière compagne, ou encore Dani…
Quels autres événements ? Dans ce même esprit d’ouverture, on prévoit trois soirées au club à trois euros, avec Dead Man Ray ou !!! (Chk Chk Chk), des artistes précieux, rares. Nous préparons aussi une exposition rassemblant des clichés de photographes ayant traîné leurs guêtres entre la rue Colson et Euralille, comme Didier Cocatrix. En octobre, nous ouvrirons 30 heures non-stop ! Les concerts seront ponctués de performances, comme celle du collectif 9ème Concept. Nous allons aussi renouer avec le “restau sur la grande scène” et recevoir Brandt Brauer Frick, trio mêlant techno et musique classique. C’est un petit clin d’oeil à notre saison 2013, consacrée à Berlin. Nous voulions regarder dans le rétro. D’ailleurs, ça serait pas mal de retourner rue Colson le temps d’une soirée… Non ?
* École Supérieure Musique et Danse
L’Aéronef
Lille, 168 Avenue Willy Brandt, Euralille, aeronef.fr
Sélection “30 ans” :
18 & 19.10 : Les 30 heures de l’Aéro : La Fine équipe, Brandt Brauer Frick, Tshegue, The SlowReaders Club, Life, Automatic, French 79, The YD, Yellow Straps, Jonathan Jeremiah, Nihiloxia, Mario Batkovic, Le 77, Flèche Love,9ème Concept 21.11 : concert “club” à 3 € : Dead Man Ray
30.11: Hommage à Alain Bashung : L’Orchestre Lalo + Edith Fambuena, Martin Barker, Simon Edwards, Chloé Mons, Dani… (en partenariat avec le Conservatoire de Lille & l’École Supérieure Musique et Danse Lille – Hauts-de-France)
02.12 : concert “club” à 3 € : !!! (Chk Chk Chk)