Cooper’s Hill Cheese-Rolling and Wake
Tout un fromage
Des types qui courent après un gros fromage dévalant une colline à toute berzingue ? Et pourquoi pas… Depuis près de trois siècles, la Cooper’s Hill Cheese-Rolling and Wake illustre tout le sens de l’humour et l’excentricité britanniques. Cette course folle se déroule tous les ans en mai, dans la pittoresque campagne vallonnée du Gloucestershire, au sud-ouest de l’Angleterre. Le but ? Rattraper une tomme ronde de 3,6 kilos lancée depuis le sommet de la Cooper’s Hill. Le premier en bas a gagné, et garde le frometon – attrapé ou non. Bien compris ? Alors, à vos marques, prêts… roulez !
Chris Anderson est une gloire locale du village de Brockworth, dans le Gloucestershire. Depuis 2004, il a couru 24 courses de la Cooper’s Hill Cheese-Rolling and Wake, et a gagné 22 fois. Un record. « Les deux autres, je suis arrivé deuxième et troisième, poursuit ce jeune homme de 31 ans. Et pourtant je n’aime pas le Double Gloucester, le fromage qu’on gagne ». Mais qu’est-ce qui pousse cet ancien soldat reconverti dans le bâtiment à participer chaque année à cette “compétition” ? « Avant tout, j’adore l’atmosphère qui règne ici. C’est vraiment un rendez-vous génial, avec tous ces gens qui assurent l’ambiance ». Et apparemment, il n’est pas le seul à apprécier la Cheese Roll…
Casse-cou
Cet événement unique au monde attire tous les ans, chaque dernier lundi de mai (férié en Grande-Bretagne) plus de 15 000 visiteurs, et près de 200 participants. On distingue plusieurs épreuves : « Trois pour les hommes, une pour les femmes, une adulte mixte mais dans le sens inverse, en remontant la pente, et enfin une pour les enfants, également de bas en haut », explique Sara Stevens, la co-organisatrice. Elle pointe fièrement du doigt le sommet de la fameuse colline de Cooper’s Hill, et la personnalise par un “she” et non un “it”, comme s’il s’agissait d’une divinité . « On la respecte et on aimerait d’ailleurs trouver un peu de sous pour arranger quelques dénivelés, car elle s’affaisse un peu par endroits. Cela rendrait la course un peu moins, comment dire… casse-gueule ! ».

Sara Stevens © Elisabeth Blanchet
Descendre une pente à 50 % sur un peu moins de 100 m pour attraper un gros frometon qui roule, présente certes quelques dangers… « Mais pas tant que ça, assure Sara. Depuis 2011, on ne compte que six hospitalisations pour des luxations ou des déboîtements ». D’ailleurs, c’est surtout hors-compétition que les accidents surviennent : lorsque les gens s’élancent comme des fous. « Je me souviens d’un Espagnol dont le pied s’est retrouvé presqu’à l’envers », poursuit Candis Philips, sa comparse.
Cette drôle de manifestation remonterait au XVIIIe siècle. « On ne connaît pas exactement la date de la première édition, raconte Candis. Toutefois, cette tradition comporte une dimension sociale. Les propriétaires terriens voulaient offrir une journée de fête à leurs paysans pour qu’ils se défoulent… ». Mais pourquoi donc courir après un fromage rond dévalant une pente ? Qui plus est des Double Gloucester de 3,6 kg chacun ? « On ne sait pas, certains disent que les gars voulaient impressionner les filles du coin. Sur le mode : “c’est moi qui descends le plus vite… voulez-vous m’épouser ?” Vous voyez le genre ? », continue Candis avant d’éclater de rire avec Sara.
Depuis 2010, ces deux habitantes de Brockworth chapeautent bénévolement les festivités. « Les anciens organisateurs ont voulu vendre notre course à une boîte d’événementiel, vous vous rendez compte ? Devant le succès de la manifestation, ils ont pris la grosse tête. Ils voulaient même faire payer l’entrée… », s’offusque Sara. Les deux amies se sont alors battues pour conserver l’esprit de Brockworth. Elles ont lancé la “Save the Cheese Roll Campaign”, une campagne préservant ses règles ancestrales. « J’ai même failli acheter un vrai squelette sur internet aux Etats-Unis pour l’enterrer sur la colline. Une fouille aurait tout annulé ! », avoue Candis. Mais elles n’eurent pas besoin d’en arriver là. Soutenue par la population locale, leur démarche l’a emporté et la formule vénale fut annulée. Dès 2011, la Cheese Roll reprit d’assaut la colline de Cooper’s Hill. Depuis, Candis et Sara veillent au grain…

© Gilbert A Turner LRPS
Cantona est de la partie
Aujourd’hui, on se précipite du monde entier pour se mesurer à cette descente, ou tout simplement pour assister au spectacle. « Des Européens, mais aussi des Américains, des Australiens… il y en a même un qui a dévalé en maillot de bain », constate Candis.
Mais le grand champion reste Chris. « J’adore l’adrénaline que procurent les courses, galoper à une allure dingue », dit-il avant de dévoiler sa technique. « J’essaye de courir le plus vite possible tout en me penchant en arrière pour garder l’équilibre ». Et tout ça pour franchir la ligne d’arrivée en moins d’une minute ! Mais, pour la première fois depuis 15 ans, Chris, « blessé à la cheville », ne participera pas au concours.
Qui prendra la relève ? Rendez-vous le 27 mai au pied de la colline de Coopers Hill. En attendant, jetez donc un œil à cette publicité de Paddy Power, une entreprise de bookmakers irlandais mettant en scène Eric Cantona dans un bunker au milieu de la Manche. Pour éviter les commentaires incessants sur le Brexit, il regarde la télé et tombe sur la… Cheese Roll ! Le fromage érigé en symbole britannique ? Qui l’eût cru…
+ A visiter / Simon Pizzey : simonpizzey.com
+ A visiter / Gilbert Turner : www.flickr.com/photos/gilbert-uk/
+ A lire / Queen’s Diamond Jubilee, 96p., env. 55€, www.blurb.co.uk/b/4355764-queen-s-diamond-jubilee
Open Studio 2013, 44p., env. 30 €, www.blurb.co.uk/b/4835611-open-studio-2013
+ A venir /
The Battle of Lewisham, https://flic.kr/s/aHskZVWv3b
European Adventure, https://flic.kr/s/aHsmtK5w58