Niki de Saint Phalle
L'affranchie
De Niki de Saint Palle, on connaît tous les Nanas monumentales et colorées, prenant leurs aises dans nos villes. Mais sait-on qui est la femme derrière l’artiste ? Au BAM, cette première grande rétrospective belge révèle en 140 pièces l’évolution de l’oeuvre mais aussi la vie de la “Calamity Jane de l’art”.
« Ici tout est possible ». Cette phrase fut prononcée par Niki de Saint Phalle à la fin des années 1970, face au paysage du futur Jardin des Tarots, en Toscane. Elle y édifiera un parc mystique peuplé de 22 sculptures géantes et habitables – dont on découvre à Mons les maquettes. « C’était pour elle un endroit magique », explique la commissaire, Kyla McDonald, qui a vu dans ces mots le titre idéal de cette rétrospective. Conçue de façon chronologique, empreinte de joie, de violence ou de mythologie, cette exposition retrace en films, dessins, sculptures ou peintures 50 ans de carrière d’une pionnière et provocatrice hors norme. Citons par exemple ce Champignon magique recouvert de centaines de petits miroirs, baignant le BAM de mille éclats de lumière.
Femme libérée
« Sa palette était extrêmement large, ajoute Kyla McDonald. Rien ne l’arrêtait ». Surtout pas sa condition féminine. « Ce parcours nous montre à quel point Niki de Saint Phalle voulait être l’égale de l’homme. Elle s’est rebellée très jeune contre la société patriarcale. Cette conviction l’a conduite à créer des sculptures monumentales, célébrant les femmes dans les lieux publics ». Toutefois, la plus belle oeuvre de cette artiste engagée et enragée, c’est sans doute sa vie. Pas des plus sereines. Violée par son père à l’âge de 11 ans, placée au couvent, avant des séances d’électrochoc pour “soigner” une dépression nerveuse, celle qui fut d’abord mannequin (pour Vogue ou Life) abandonnera ses deux enfants et son mari pour son art. « Sa production fut dantesque, près de 3 500 pièces… On la compare d’ailleurs à Picasso, elle manifeste la même urgence », observe Xavier Roland, directeur du pôle muséal.
Tir groupéDès lors, on apprécie sous un jour nouveau sa série des Tirs, initiée au début des années 1960. Lors de ces performances, la Française canardait avec une carabine des tableaux ou statues sur lesquels elle avait disposé des poches de peinture qui se répandait ainsi aléatoirement. Les hommes, la religion, la politique… Niki de Saint Phalle tirait sur tout ! Y compris son géniteur, qu’elle tue métaphoriquement dans la vidéo Daddy, ou La Vénus de Milo (1962), parmi quelques chefs-d’oeuvre ici dévoilés. « Sa production est étroitement liée à son existence. C’est l’une des artistes qui a le plus assumé sa féminité. Que sont les Nanas, sinon des femmes libérées, s’affichant sans aucun complexe ? ». Placées à divers endroits de Mons, ces oeuvres généreuses « ré-humanisent nos villes modernes », soutient Xavier Roland. A l’image de la Nana-Maison, dans les jardins du BAM, que l’on peut toucher, pénétrer… Oui, ici, tout est vraiment possible.