Nan Goldin
Jardins intérieurs
On connaissait Nan Goldin pour ses portraits crus ou intimistes d’oiseaux de nuit new-yorkais, témoins d’une vie d’excès au mitan des années 1980. Moins pour ses paysages fantomatiques saisis lors de promenades en pleine campagne. Et pour cause, ces photos n’avaient encore jamais été montrées en France…
Comme souvent derrière un projet rare, il y a une rencontre. En l’occurrence, celle entre l’illustre photographe américaine (née en 1953) et Marie-Françoise Bouttemy, conservatrice du Centre culturel de l’Entente Cordiale-Château d’Hardelot. « Je préparais une rétrospective à Béthune quand elle m’a parlé de ses clichés personnels, sur le thème de la nature. Il y a une vraie signature graphique, et cet accrochage montre une part méconnue de son oeuvre ». La trentaine de tirages grand format, tous pris en mouvement et majoritairement entre la France et la Grande-Bretagne (conformément à la ligne directrice du lieu), invite à une déambulation contemplative. On y découvre le Bois de Vincennes sous la lune, hypnotique. Un détail de nénuphars au chromatisme franc. Une ligne d’horizon brumeuse où plage, mer et ciel se confondent, parfaite illustration du phénomène optique donnant son nom à l’exposition : Fata Morgana.
Miroir des sentiments
Les connaisseurs de l’oeuvre de Nan Goldin reconnaîtront dans ces panoramas expressifs, crépusculaires, l’âme tourmentée de l’artiste. « On reste finalement dans le journal intime photographique, dans le doute, le mystère, la dimension fugace de l’existence ». Les profanes devraient apprécier les passerelles esthétiques dressées avec les peintures de Rothko ou Corot, exposées çà et là dans le parcours. Enfin, un luxueux catalogue permettra à chacun de revivre après sa visite cette balade inédite, entre chien et loup.