Soviet Design. Red Wealth
La nostalgie, camarade !
Avant 2012, on ne trouvait pas une institution en Russie consacrée au design. Alexandra Sankova savoure aujourd’hui le chemin parcouru. Six ans après avoir porté l’ouverture du Design Museum de Moscou, son exposition inaugurale s’exporte ce printemps à Bruxelles. Soviet Design. Red Wealth offre un voyage unique dans l’URSS d’après-guerre, grâce à une collection d’objets et de productions graphiques chargés d’histoire.
Au fil de ses études, Alexandra Sankova a beaucoup entendu parler du design propre à la période soviétique… sans jamais pouvoir s’y frotter. « Certains musées européens possédaient quelques pièces, mais en Russie, rien n’avait été compilé, explique-t-elle. A chaque nouvelle ère politique, notre nation avait tendance à faire table rase du passé ». Retroussant ses manches, la designer a sollicité famille, professeurs et amis d’amis pour collecter dans les caves, greniers, brocantes ou sur Internet, les vestiges du quotidien au temps du communisme.
Caverne d’Ali Baba
La pêche fut assez miraculeuse. Plus de 300 pièces datant des années 1950 à 1980 ont été réunies pour l’exposition moscovite, et on en compte le double au Brussels Design Museum ! « De nombreuses personnes âgées ont offert des objets précieusement conservés ». Parmi ceux-ci, on trouve des affiches de propagande, télévisions portatives aux lignes brutes, machines à coudre rutilantes, vêtements aux couleurs des J.O. de Moscou, du mobilier inspiré de la conquête spatiale et, même, un frigidaire en état de marche…
Esprit solide
Le parcours est organisé selon plusieurs thématiques (enfance et loisirs, sport, emballages, ingénierie…) et enrichi d’interviews de créateurs majeurs. Il révèle aussi la dimension stratégique du design en URSS, d’abord focalisé sur l’industrie lourde puis la production de masse, au milieu des années 1960. Cet événement fait ainsi la part belle aux projets introduisant des méthodes artistiques dans les processus de fabrication. Comment caractériser, alors, le “design soviétique” ? Quitte à alimenter les clichés, Alexandra Sankova reconnaît que la robustesse des produits a longtemps pris le pas sur l’élégance. Entre répliques de modèles occidentaux et références à l’avant-garde russe, la commissaire souligne aussi la créativité des citoyens, personnalisant et optimisant leurs biens. Cette appropriation rend cette exposition patrimoniale d’autant plus émouvante.