Cabaret de curiosités
Terre d'accueil
Chaque année en mars, le Phénix de Valenciennes nous rappelle que la curiosité est un divin défaut. Temps fort de la saison de cette Scène nationale, ce festival aborde une question de société à travers le prisme du théâtre, de la danse, du cinéma… Baptisée Exil.exit, cette édition aborde le complexe sujet des migrations contemporaines.
A l’heure où l’Europe est confrontée à l’une des plus graves crises de son histoire, se montrant incapable de bâtir une politique d’accueil digne de ses principes, le Cabaret de curiosités met les pieds dans le plat. Mais que peut l’art ? « Provoquer un électrochoc, ou en tout cas l’empathie, avance Romaric Daurier, le directeur de la scène nationale valenciennoise – lui même enfant d’immigrés espagnols. Il ne s’agit pas d’apporter des réponses mais de varier les points de vue, s’extraire du traitement purement médiatique pour laisser la parole aux artistes ».
Le bout du tunnel
Parmi les 14 propositions réparties dans 9 lieux, citons As far as my fingertips take me. Imaginée par la Libanaise Tania El Khoury, cette performance organise la rencontre aveugle et sensible entre un réfugié et un spectateur. Assis sur une chaise et affublé d’un casque, celui-ci est invité à passer son bras à travers un mur. De l’autre côté, Basel Zaraa y dessine au henné son périple de la Palestine à la Syrie, puis de la Syrie vers l’Europe, tandis que sa voix résonne en musique dans les écouteurs… « Ce qu’il a vécu s’inscrit dans votre chair, instaurant un dialogue d’individu à individu ». Une formule propice à la compréhension de l’autre, à l’image de l’adaptation par Guy Cassiers de La Petite fille de Monsieur Linh de Philippe Claudel, rendez-vous phare de ce Cabaret de curiosités.
Tout comme 1993, l’autre temps fort de cette édition. Fruit de la collaboration entre le metteur en scène Julien Gosselin (2666, Les Particules élémentaires) et l’écrivain Aurélien Bellanger (L’Aménagement du territoire) cette pièce chorale mêle chants, danse, vidéos et Eurodance. Elle narre les promesses trahies du Vieux Continent à travers la construction de deux de ses tunnels : celui de la Manche et celui du Cern, l’accélérateur à particules situé à la frontière franco-suisse. « Soit deux modèles qui symbolisaient le progrès technologique d’une Europe mondialisée, où les flux de personnes et de marchandises pouvaient circuler librement… Le spectacle confronte cet idéal avec la situation actuelle à Calais, où l’on est passé d’un pont entre plusieurs pays à un entonnoir où s’échouent les réfugiés… »
La danse de l’espoir
Pour autant, il y a encore des raisons d’espérer, en allant voir ce qui se trame ailleurs dans le monde, à Taïwan par exemple, « terre d’accueil pour nombre de communautés asiatiques, où les migrations sont perçues comme un phénomène d’enrichissement de la société ». Comme le montre la chorégraphie de River Lin, 20 min for The 20 century, but asian, dans laquelle il revisite l’histoire de la danse en Asie en moins de 20 minutes, interrogeant son héritage et sa diversité. Une question de point de vue…
Programme : Rencontre avec l’Agence Nationale de la Recherche : les migrations, Félix Jousserand et Christophe Piret : Barbaresques. Ne sors plus de chez toi, film de Gianfranco Rosi : Fuocoammare (15.03) // River Lin : 20 min for the 20 century, but asian, Su Wen-Chi: W.A.VE., Yan Duyvendak & Omar Ghayatt : Still in paradise (15 & 16.03) // Tania El Khoury : As far as my fingertips take me, Mokhallad Rasem : Chercheurs d’âme, Guy Cassiers : La Petit fille de Monsieur Linh, exposition de Julien Saison : Ceux qui passent, ceux qui restent : le campement de Norrent-Fontes (15 > 17.03) // Rencontre avec L’Amicale de Production, Lin Yu-Ju : Sponge, Frédéric Dumond : Cela, quelle langue, concert de Luna Lost (16.03) // Gurshad Shaheman : Pourama Pourama, Julien Gosselin & Aurélien Bellanger : 1993 (16 & 17.03) // Table ronde : langues et migrations : isolement ou rayonnement ?, Tony Chakar : On possibilities : unlearning, undoing, Fouad Yammine & Abdel Rahem Alawji : Everything you ever wanted to know about the Middlewest and were not too embarrassed to ask, concert des Frères Tatane (17.03)